En 1941, l’armée roumaine massacre 20 000 juifs à Odessa.

De nos jours, une jeune réalisatrice s’attache au projet de monter un spectacle de cet épisode douloureux, par une reconstitution militaire, dans le cadre d’un événement public.

Exigeante, elle aura beaucoup de mal à imposer son point de vue tant face aux producteurs de l’événement qu’auprès des simples figurants du spectacle historiquement en désaccord

Cinéma : Peu m'importe que ...
Cinéma : Peu m’importe que …

 » Peu m’importe si l’histoire nous considère comme des barbares » est une phrase que Mihai Antonescu, vice- président du Royaume de Roumanie de 1941 à 1944, a prononcée au conseil des ministres en juin 1941 au cours d’une intervention dans laquelle il prônait « l’affranchissement ethnique », « la purification du peuple » et justifiait ainsi le carnage mené par l’armée roumaine à Odessa à l’automne de la même année. Il fut condamné à mort en mai 1946 pour crimes «  contre la paix, contre le peuple roumain, les peuples de la Russie soviétique, les juifs, les Gitans et autre crimes de guerre et pour la déportation ou l’exécution des près de 300 000 juifs roumains ou ukrainiens et 15 000 gitans. »

Dans «  Peu m’importe si l’Histoire …. » le personnage de Movilà, la metteuse en scène a un problème avec la définition de la vérité. Elle se place du point de vue de ce qu’elle considère comme le bon côté des choses et agit, comme à chaque fois qu’on met en place un spectacle de théâtre social ou politique dont le souci est précisément de se situer dans le traitement du bon côté des choses. Il y avait un moyen pour Movilà de rendre compte des faits, même dans leur horreur, de façon à ce qu’ils plaisent, et qu’ils soient conçus dans une forme qui convienne au plus grand nombre.

Mais pour Movilà, ce n’est pas parce que l’argent qui finance le spectacle est de l’argent public qu’il faut jongler avec ce qu’elle considère comme la seule vision des choses. Pour elle, l’art a un autre but que celui de divertir. Il doit éduquer, développer le sens critique, mettre à l’épreuve les limites de certains thèmes de société, expérimenter, chercher de nouvelles voies narratives et porter un regard critique objectif sur un épisode du passé.

Le film pose la question des films de propagande.

Un film de propagande peut-il être à la fois partial et un chef d’œuvre : «  Le cuirassé Potemkine », « la grève  », « La ligne générale » ou « Ocrobre  » qui sont, au moins en partie, des œuvres de propagande et sont reconnus cinématographiquement comme de grands films exemplaires.

Le massacre des juifs à Odessa, s’il a été dénoncé, n’a pas empêché d’autres massacres de se produire et de continuer à se produire en Syrie, par Boko Haramn ,dans l’État Islamique, au Yémen…Et tous ces massacres quoique jugés inadmissibles par tous, n’empêcheront pas ceux qui vont suivre d’exister et de pratiquer l’escalade de l’horreur.

Comédie grinçante, «  Peu m’importe..  » veut faire entendre une parole dans un monde qui ne veut pas l’entendre et faire reconnaître une vision d’artiste femme aux prises avec un entourage partagé entre machisme et intérêts financiers.

Quelques lourdeurs de mise en scène ne gâchent pas le plaisir. La portée politique du film est forte et les situations sont souvent drôles, parfois burlesques et toujours savoureuses.

Francis Dubois


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