Son père aurait voulu que Paula trouve un bon mari, qu’elle fonde une famille et sache s’occuper d’un intérieur.
Mais Paula est aux antipodes de ce qu’on attend d’elle. Elle a une seule passion, la peinture et c’est à son art qu’elle veut consacrer sa vie.
Mais là encore, elle est loin d’être dans le droit fil de ce que lui enseignent les peintres de la colonie de Worpswede où elle est inscrite comme élève : le réalisme et la reproduction fidèle et précise de la nature.
Au lieu de choisir comme modèles des corps parfaitement proportionnés, elle va préférer, pour peindre une maternité, aller vers une femme au corps lourd, très loin de correspondre aux canons de la beauté des modèles habituels.
Plus on tente de la dissuader de continuer dans ce sens, plus elle persiste dans une direction créatrice hors des codes conventionnels.
Quand elle épouse le peintre Otto Modersohn, malgré l’amour et l’admiration qu’elle a pour son mari, son manque de confiance en sa peinture lui fait prendre la décision de tout quitter pour aller vivre à Paris, la ville des artistes.
En mettant son projet à exécution, elle s’engage dans une aventure qui va bouleverser son destin de peintre et de femme.
Sa pugnacité et sa croyance en son art feront de Paula Modersohn-Becker la première femme à imposer son langage pictural.
Le film de Christian Schwochow dresse le portrait d’une femme à la forte personnalité, capable, contre vents et marées de garder le cap de sa ligne créatrice mais également d’une jeune personne vive, enjouée, fantaisiste, gourmande de la vie et munie d’un grand désir d’émancipation.
Et Carla Jury, la jeune comédienne qui interprète Paula, par son jeu en constant léger décalage permet au personnage d’échapper au cliché de la femme libre et surtout de la militante féministe.
Elle donne à Paula, cette spontanéité qu’elle pousse parfois jusqu’à une espièglerie juvénile.
Le réalisateur semble avoir voulu prendre de la distance avec le biopic habituel même si le film retrace fidèlement sans doute, la courte vie de Paula. (elle mourut à à peine plus de trente ans)
Il le réussit en insistant plus sur la personnalité de la jeune femme que sur un tracé linéaire de sa vie. Il s’attache plus à montrer que pour Paula, la peinture était une passion et non un engagement et que même si elle allait à contre courant de son époque, elle ne visait pas à être considérée comme une révolutionnaire de l’art pictural.
Parmi les personnages qui gravitent autour de Paula, en dehors de Clara Westhoff (finement interprétée par Roxane Duran), Otto Modersohn son mari, ou son jeune amant parisien (ils échappent tous aux stéréotypes), le cinéaste attache une grande importance au personnage de Rainer Maria Rilke qui fut l’ami d’Otto Modersohn avant de devenir celui de Paula. Rilke est dépeint comme un individu peu sympathique mais qui fut pour Paula une sorte d’ange gardien et un modèle de soutien et de fidélité.
Paula Modersohn-Becker est aujourd’hui une artiste reconnue qui effectua plusieurs centaines de toiles.
On pourra reprocher au film de tomber parfois dans un certain romanesque mais on garde en mémoire, après projection, une beau portrait d’une femme libre.
Francis Dubois
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