Fabien Marsasel plus connu sous son nom de scène, Grand Corps Malade, a été victime peu de temps avant son vingtième anniversaire d’un accident qui l’a rendu tétraplégique. Il a écrit son histoire dans un ouvrage qu’il a adapté pour l’écran et qu’il a réalisé avec son complice Mehdi Idir.

Les quatre membres paralysés, considéré comme «tétraplégique incomplet», réduit à ne plus se mouvoir qu’en fauteuil roulant, il était, lorsqu’il a été admis dans un centre de rééducation, dans l’impossibilité de réaliser les gestes du quotidien les plus élémentaires comme se laver, porter une cuiller à la bouche, s’habiller, manipuler une télécommande…

«Patients» retrace la première année du jeune homme dans un centre de rééducation.

On pouvait s’attendre, sur un tel sujet, à un récit douloureux qui incite à la compassion.

Or, le film qui résulte de l’adaptation du livre de Grand Corps Malade est tout le contraire. Il l’est grâce au choix d’un traitement du récit conduit sur la ligne de l’autodérision, sur le combat qu’a mené le malade frappé d’un handicap majeur, sur l’énergie développée en dépit des chances réduites de recouvrer une mobilité autonome ; le tout relayé par l’interprétation très convaincante du jeune comédien en charge du rôle.

Cinéma : Patients
Cinéma : Patients

Si le jeune tétraplégique maintient des relations chaleureuses avec sa famille et ses anciens amis, avec l’équipe sportive dont il faisait partie avant son accident, il crée, à l’intérieur de l’établissement où il est pris en charge, un réseau de relations nouvelles et c’est là que résident l’intérêt et la force du film de Grand Corps Malade, dans cet échange parfois rugueux, parfois cruel, parfois amical et chaleureux que partagent les patients logés à la même enseigne.

Car, en dépit du sujet, « Patients» est une comédie avec une galerie de portraits savoureux et des dialogues ciselés, drôles même si, parfois, la drôlerie, le cocasse déguisent à peine le désarroi, le coup d’un échec, d’une déception, d’un moment de découragement.

Tout ce qui lie entre eux les personnages des malades et le type de relation qui s’établit entre eux et le personnel soignant ont comme point commun la maladie bien sûr. Mais ce qui se joue entre eux sur la durée et dans le quotidien parvient à échapper à un simple rituel.

Certains personnages ont en charge de maintenir la part de comédie du récit : il y a l’aide-soignant perpétuellement enjoué qui commente tous ses faits et gestes et dit «il» au lieu de «tu», Christiane l’aide-soignante généreuse et maladroite ou le kinésithérapeute dévoué qui semble dès le début de la rééducation s’être fixé pour objectif d’amener son patient jusqu’à des progrès et des résultats probants.

Du côté des patients, l’amitié qui les lie est dictée dans un premier temps par le fait qu’ils ont tous le même handicap : une mobilité réduite pour certains et inexistante pour les autres. S’ils débordent parfois les frontières de la camaraderie pour une absence du moindre ménagement, si entre eux, concernant la maladie qui les paralysent, ils appellent «un chat, un chat» et plongent tête baissée dans les considérations cruelles, ils savent pertinemment que c’est aussi le moyen de tenir le coup, de garder la tête hors de l’eau.

Il n’y a dans le film de Grand Corps Malade, pas la moindre complaisance, pas le moindre épanchement. C’est un film délibérément optimiste qui montre la jouissance qu’on peut tirer de l’instant présent quand il est favorable. Que cette option est le seul moyen de recharger les accus, de faire une réserve qui sera bien utile dans les moments de chute.

Une rencontre amoureuse sacrifiée vient donner une autre nuance, légèrement romanesque, au film et confirmer que le séjour dans le centre de rééducation n’est qu’une parenthèse dans la vie des patients…

A la fois pathétique et d’une grande drôlerie…

Francis Dubois


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