Fiona, une bibliothécaire canadienne, reçoit une lettre de sa vieille tante Martha, visiblement en détresse. Cette lettre a été trouvée à Paris dans une poubelle.

Mais quand Fiona débarque à Paris, la tante Martha s’est volatilisée.

Commence alors pour la jeune femme, une série d’aventures loufoques qui la font tour à tour, basculer dans la Seine, perdre son sac à dos, son argent, traverser des péripéties qui la laissent démunie, poursuivie par Dom, un SDF pas très honnête, aussi séducteur que pot de colle…

Cinéma : Paris pieds nus
Cinéma : Paris pieds nus

Pour leur nouveau film, Abel et Gordon, à qui on doit quelques réalisations savoureuses dont le ton très personnel ( « L’iceberg  » en 2005 ou «  Rumba' » en 2008) qui pourraient faire d’eux les héritiers de Jacques Tati ou de Pierre Etaix, se sont inspirés de leur propre découverte de Paris dans les années 80, quand ils étaient venus suivre les cours de Jacques Lecoq.

La tonalité narrative des film d’Abel et Gordon est si singulière qu’il est difficile de la définir tout comme il est difficile de définir leurs deux personnages, sorte de clowns au quotidien dont la gestuelle, la façon de se mouvoir relèvent d’une maladresse qui occasionne et multiplie chutes et trébuchements quand il ne s’agit pas d’un basculement par dessus bord.

Tout, dans le comportement, les attitudes, les gestes et même dans les regards, est dans le burlesque mais jamais le filon comique qui s’engage n’est exploité à des fins comiques et le cocasse des situations reste dans un périmètre d’une certaine sobriété.

Ici, Abel et Gordon incluent deux personnages au tourbillon de leur duo : la tante Martha vieille farfelue coiffée en pétard et Norman, agile et lunaire qui fut son amant et son partenaire de danse et dont le rôle avait été initialement destiné à Pierre Etaix, empêché par la maladie.

Les partitions de Dominique Abel et Fiona Gordon, savoureuses de précision et de drôlerie brute se retrouvent dans « Paris pieds-nus » relayées par un autre duo d’acteurs complètement inattendu constitué d’Emmanuelle Riva et de Pierre Richard l’un et l’autre au mieux de leur talent pour associer à la drôlerie des situations et à leur jeu irrésistible, un arrière-goût de mélancolie.

Il suffit de voir, dans une des premières scènes du film, Emmanuelle Riva déposer une enveloppe dans une poubelle plutôt que dans la boite aux lettres voisine ou le lieu de travail de Fiona pris dans une bourrasque de neige à chaque fois que la porte s’ouvre pour entrer dans l’univers singulier, étranger au moindre réalisme, mais empreint de jolis moments de poésie.

Le monde irrésistible dans lequel Abel et Gordon nous entraînent est à découvrir ou re-découvrir. Il est ici rehaussé de la présence fugitive de Pierre Richard mais surtout de la partition déjantée d’une Emmanuelle Riva espiègle et si savoureuse.

Francis Dubois


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