Sans nouvelles de son mari qui a vécu toute sa vie en France et qui n’a jamais manqué de lui envoyer l’argent nécessaire pour élever leurs enfants, Rekia, soixante dix-ans, décide d’aller le retrouver à Paris et de ramener Nour au bled. Une démarche risquée et touchante de naïveté car elle ne dispose que d’une adresse d’hôtel où, depuis qu’il a pris sa retraite, son mari n’habite plus.
La traversée en bateau ou le voyage en train de Marseille à Paris mettent la vieille femme face à des épreuves inconnues mais sa détermination est telle qu’elle parvient à détourner toutes les difficultés à chaque fois qu’elles surgissent. Lorsqu’elle arrive à Paris, elle a du mal à réaliser que dans cette ville immense, retrouver Nour revient à chercher une épingle dans une botte de foin. Mais Rekia est obstinée. Elle ne peut se résigner à l’idée d’avoir fait ce long voyage pour rien.
Et son chemin va croiser celui d’ un groupe d’hommes et de femmes qui, sensibles à sa désarmante candeur, vont la prendre en charge. Ces personnes dévouées, généreuses, pourraient être les nouveaux représentants d’un «Paris populaire» constitué de migrants, de marginaux, de «bricoleurs professionnels», ayant le cœur sur la main et prêts à partager le peu qu’ils possèdent. Une serveuse de bar au grand cœur, aidée de quelques autres, va s’acquitter des démarches administratives qui vont mettre Rekia sur le chemin de Nour.
Depuis qu’il est à la retraite, Nour vit à l’étroit dans un foyer perdu au fin fond de la banlieue. Le vieux couple se retrouve avec bonheur. Rekia et Nour vont passer ensemble de vrais bons moments ensemble, retrouver leur complicité, mais après tant d’années passées en France, le vieil homme aux cheveux blancs va-t-il accepter de suivre Rekia et rejoindre une famille, un pays où il n’a plus sa place ?
Le film de Lidia Leber Terki repose essentiellement sur le personnage de Rekia qui sera plus tard dans le récit, doublé de celui de Nour. Tassadit Mandi parvient à rendre crédible un personnage qui ne l’est qu’à la condition d’appartenir à la catégorie de ces êtres candides dont la forte dose de naïveté en fait une sorte de salamandre échappant à tous les dangers. Car comment, sans cette «protection du ciel» imaginer que cette femme âgée et qui n’a sans doute jamais quitté son pays, puisse se retrouver déambulant dans les rues d’une ville immense à la recherche d’un être minuscule dont elle a perdu toute trace.
Mais Tassadit Mandi, en formidable comédienne, ne se contente pas de «sauver» son personnage. Elle entraîne dans son sillage tous les autres, en leur donnant par sa présence, son charisme, une authenticité là où eux non plus ne sont pas crédibles. Et le miracle se produit. On se met à croire que le monde est bon, généreux, désintéressé, hospitalier. On croit au côté «bonne fille» de Tara, à la générosité de Damia, de Steve ou Rico, une « communauté » de bras cassés, vivant en marge de la société de petits boulots, de combines.
Lidia Leber Terki ne se soucie pas de savoir si les personnages de son film et les situations qui vont mettre Rekia sur le chemin de Nour sont crédibles ou pas. Et elle a raison. Elle n’a en tête que les deux sujets essentiels dont elle fait l’ossature de son récit : le désir de reconstituer sa famille, concernant Rekia et le problème de l’enracinement irréversible concernant Nour.
Et en dépit de la rugosité de son sujet, «Paris, La Blanche» est une sorte de conte de fée…
Francis Dubois
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