«Orpheline» retrace les épisodes charnière du parcours d’une femme à quatre âges différents, entre six et vingt-six ans.
Petite fille à la campagne, elle est profondément marquée par une partie de cache-cache tragique au cours de laquelle ont péri ses deux compagnons de jeu.
Adolescente vivant seule avec son père, mal dans sa peau, elle va de fugue en fugue, d’homme en homme et à l’époque, on ne donnait pas cher de son avenir.
Jeune provinciale, elle débarque à Paris et, peu farouche, tombe dans les griffes de trafiquants et de joueurs qui vont la familiariser avec l’argent facile.
Enfin, femme accomplie, institutrice, mariée à un homme aimant, elle était sur le chemin d’une stabilité si son passé tragique ne l’avait rattrapée pour lui rappeler qu’elle est sous le coup de la loi puisqu’elle vit depuis des années sous un faux nom.

culture/cinéma
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Arnaud des Pallières a fait le choix de faire jouer le même personnage à des âges différents, par quatre comédiennes distinctes, sans se soucier d’une quelconque ressemblance, n’offrant pour la cohérence du récit que quelques éléments épars.
Mais plus rien ne prédestine l’histoire précédente à celle qui suit car comment faire le lien entre Renée (le personnage à vingt-six ans, directrice d’école) et Sandra (le personnage à vingt ans (fille facile, non diplômée, promise à un avenir de délinquante) ?
Le lien est plus facile entre Karine (le personnage à treize ans) et Sandra. Le problème ne se pose pas avec Kiki (le personnage à six ans).
Mais pourquoi brouiller les pistes au point de donner au même personnage à quatre moments de sa vie, des prénoms différents ? Arnaud de Pallières met le spectateur face à des énigmes qui déroutent. Mais le cinéaste a un talent fou. Il passe outre, poursuit son chemin et sait où il va. Sinon, comment expliquer qu’en dépit de ce qui pourrait apparaître comme des incohérences ou des faiblesses de scénario, le récit prend et que, mystérieusement, le puzzle se constitue. Et que ce récit éclaté en quatre est bien l’histoire de la vie d’une même et seule personne puisqu’au fil des quatre histoires, apparaissent des personnages récurrents : le père de Kiki est celui de Sarah et de Karine et la mystérieuse Tara, personnage à la fois bien réel alors qu’il paraissait presque fantomatique.

Le metteur en scène met le spectateur à contribution pour résoudre les énigmes du récit, pour combler les vides narratifs, pour rétablir la cohérence du projet. Et «Orpheline» est à la fois une narration linéaire, un exercice de style et un magnifique exercice de cinéma avec une maîtrise de la construction éclatée, de l’image, des cadrages et de la direction d’acteurs.
Il a fait appel pour incarner le même personnage, à des comédiens de haute volée: Adèle Haenel («Les combattants», «La fille inconnue»), Adèle Exarchopoulos («La vie d’Adèle»), Gemma Arterton («Gemma Bovary») et dans des rôles plus épisodiques à Jalil Lespert, Nicolas Duvauchelle ou Sergi Lopez.

On entre ou pas dans les univers singuliers d’Arnaud des Pallières. «Orpheline» est la bonne occasion de découvrir l’originalité de son cinéma, la force subtile de ses mises en scène et la fascination qu’il opère au final.
Francis Dubois


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