Bernard Maris, cet économiste brillant et inattendu, assassiné le 7 janvier 2015 au cours de la fusillade dans les locaux de Charlie Hebdo, était appelé Oncle B., de ce surnom sous lequel il signait ses chroniques hebdomadaires.

Cette appellation familière seyait à la limpidité, à la « proximité » de son propos mais beaucoup moins à ce qu’il pouvait y avoir de charismatique dans sa façon d’être, dans une élégance qui transparaissait derrière une belle et naturelle décontraction.…

« Oncle Bernard  » a été conçu par Richard Brouillette à partir d’un entretien de trois heures qu’il avait eu avec Bernard Maris en mars 2000 dans les locaux de l’hebdomadaire et qui restitue la verve chaleureuse et libre du penseur singulier qu’il était.

Cinéma : Oncle Bernard
Cinéma : Oncle Bernard

« Tu t’y connais en économie? » demande Bernard Maris à un moment donné de l’entretien à Richard Brouillette et il ajoute avec amusement, mais soucieux de l’écoute de son interlocuteur : « Tu comprends ce que je dis ? ».

Tout le film (il s’agit de longues réponses à des questions brèves) est peut-être dans cette inquiétude chez Bernard Maris à savoir si son propos est accessible à qui l’écoute.

L’homme est fascinant et il semble qu’on pourrait l’entendre pendant longtemps sans se lasser même si le contenu et la densité de ses explications peuvent à de nombreux moments s’adresser à qui dispose de quelques (solides) connaissances en économie.

Si Richard Brouillette était un fervent et assidu lecteur de « Charlie Hebdo » c’était surtout pour se délecter à chaque parution, des chroniques de Bernard Maris. C’était, selon ses propres propos «  mon pain bénit, mon pe tit bonheur des fins de semaine. »

Il y trouvait les lumières pour s’éclairer sur des aspects de l’économie occultés par les médias de masse ou carrément pervertis par des falsificateurs patentés.

Oncle B. présentait sous un jour simple et parfois trivial, la théorie et les événements économiques.

Comme dans l’entretien du film (ramené à 1h 19) il renversait joyeusement et sans mâcher ses mots les dogmes néoclassiques de la « très sainte science économique » en se moquant, à l’occasion avec un humour délectable, à peine insolent des « Vains perroquets » qui avancent des lieux communs mensongers, sans prendre la peine d’aborder le sens profond de l’économie, du capitalisme, de la richesse…

Avec décontraction et faisant preuve de beaucoup de profondeur dans le développement de ses arguments, il dénonçait une économie basée sur un individualisme méthodologique qui nie l’existence de phénomènes collectifs dans une société au profit d’une rationalité individuelle.

Tout au long de cette heure dix-neuf où il est filmé de façon frontale, interrompu toute les onze minutes 7 secondes par les changements de bobine (l’entretien est filmé en pellicule 16mm)

Ces changements de bobine qui conduisent à des « noirs » au cours desquels Bernard Malis poursuit sa réponse, apparaissent comme une métaphore selon laquelle la parole d’Oncle B survivait à sa mort.

Dans le film, qui apparaît comme l’expression d’une grande admiration du réalisateur pour le journaliste, il est laissé toute la place à la parole de Bernard Malis, à ses envolées, comme à ses hésitations. A une faconde rigoureuse qui succède à des moments murmurés, à une verve dénonciatrice et parfois à de mutines facéties…

Tout ici restitue la parole pénétrante et captivante de l’économiste.

Passionnant de bout en bout même si le propos parfois technique est difficile à suivre. A ces moments, l’œil malicieux, le geste, la voix comme familière prennent le relais…

Francis Dubois


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