Début 2007, en Équateur, le gouvernement de Rafael Correa refuse de donner priorité au remboursement de la dette publique et récupère la souveraineté de ses ressources naturelles face aux multinationales.
Il met en place une politique de redistribution des richesses de sorte que la pauvreté et les inégalités observent une forte baisse, permettant aux plus démunis d’accéder à une classe moyenne qui double ses chiffres en huit ans.
Pierre Carles, Nina Faure et leur équipe débarquent « tout feu tout flamme » dans ce nouvel Eldorado où se multiplient les avancées en faveur des classes populaires.
Mais en sillonnant le pays et en notant quelques failles dans cette politique de rêve, les deux réalisateurs tirent parfois des conclusions contrastées de leurs investigations.
L’un aimerait que Correa vienne « retaper » la France tandis que l’autre s’interroge sur l’avènement au pouvoir d’un homme providentiel.
Au milieu des années 2000, le Venezuela dirigé par Hugo Chavez tentait de rompre avec les politiques néolibérales et cherchait un nouveau modèle de gouvernement qui donnerait une place centrale à l’État en matière d’intervention sociale et économique.
Il faisait alliance, grâce à un pétrole bon marché, avec des pays comme Cuba et établissait des liens privilégiés avec l’Argentine de Nestor Kirchner, le Brésil de Lula, la Bolivie de Evo Morales et enfin avec l’Équateur de Rafael Correa.
L’Amérique Latine amorçait alors un virage politique et tous ces gouvernements progressistes redonnaient espoir aux déçus d’une gauche débordée par la montée du néo-libéralisme en Europe.
Le bouleversement politique que connaissait l’Équateur allait donner envie à Pierre Carles et Nina Faure d’aller voir de plus près ce que faisaient Rafael Correa et son gouvernement.
Ils ont voulu remédier en cela aussi au peu d’intérêt que portaient les grands médias audiovisuels français à cette partie du monde et aux expériences politiques qui y sont pratiquées depuis une quinzaine d’années. Et à l’indifférence, à quelques exceptions près, de la classe politique.
L’intérêt du film qui résulte de leur curiosité et des investigations qui en ont découlé, tient à sa valeur documentaire mais également au fait que leurs points de vue et sensibilité différents sur nombre de points équilibrent le propos, réajustent les choses et font que « On revient de loin » évite de devenir une œuvre partisane.
Quand Pierre Carles se présente comme un inconditionnel de Correa, pris au charme du personnage accessible, chaleureux, Nina Faure prend note des premières failles : les convictions religieuses de l’homme qui refuse pour des raisons morales de dépénaliser l’avortement ou qui suspend des projets de loi qui fâchent la classe bourgeoise pour que la visite du pape se fasse sans manifestations de rue.
Le film trace les limites d’une politique progressiste quand elle se heurte aux revendications des classes privilégiées qui se jugent lésées ou à des enjeux économiques incontournables.
L’exemple porte sur une loi qui devait taxer les successions de biens visant notamment les plus riches, à l’avantage des classes inférieures. Le gouvernement aurait pu faire face à ces revendications si le nombre des privilégiés opposés à la loi n’avait vu ses rangs grossir avec ceux qui, ayant bénéficié de la politique progressiste et devenus des nantis en puissance, protégeaient leur patrimoine à venir.
Le gouvernement se retrouve devant un dilemme quand il doit choisir entre l’exploitation de richesses minières indispensables à l’économie du pays ou le maintien en place de petites exploitations agricoles qui éviteraient des expropriations…
Un film nécessaire, superbement construit d’un bout à l’autre, passionnant à défaut d’être aussi optimiste qu’on le souhaiterait…
Francis Dubois
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