Après avoir amorcé une carrière de chanteuse, Jewell Stone est aujourd’hui tombée dans l’oubli, réduite pour survivre, à un boulot de serveuse. Mais voilà que Marie, sa grand mère qui l’a élevée et qui vit dans le Vermont aux États-Unis depuis de nombreuses années, a décidé de venir lui rendre visite. Comment Jewell qui lui raconte depuis longtemps des bobards sur sa vie, son travail, ses amours va-t-elle pouvoir l’accueillir. D’un courrier à l’autre, elle s’est inventée qui carrière qui marche, une vie avec Paul qui l’a quittée depuis belle lurette et même une enfant de lui, Rudy.
Sandrine Dumas avoue avoir une tendresse pour le mensonge qui, en dépit de sa connotation négative, est un vrai champ des possibles.
Pour Jewell qui est dans l’échec sur toute la ligne, le mensonge est devenu un moyen de survie parce qu’il n’est pas facile d’assumer ses désillusions aux yeux de ceux qu’elle aime.
Le film débute selon les codes de la comédie. Il s’articule sur une mécanique plutôt classique du mensonge et du quiproquo dans un premier temps. Dans sa deuxième partie le récit devient plus paisible à mesure qu’il devient bucolique en abordant des thèmes qui apparaissaient en filigrane depuis le début de l’histoire, les mères, la complexité des relations amoureuses, la place de la femme, la transmission…
« On ment toujours à ceux qu’on aime » semble avoir été conçu pour être une franche comédie dans laquelle, à chaque fois, une mélancolie s’est imposée comme si le récit se dépouillait de ses effets pour en arriver au cœur de la réalité de la vie.
Il y a nettement deux parties dans le film qui se différencient par le ton du récit mais surtout par les couleurs qui ne sont plus les mêmes entre Paris filmé avec une certaine tonicité chromatique et le road-movie qui repose sur des tonalités plus froides.
Le contraste dans le film passe également par les atmosphères ; d’une part cette sorte de liberté que dégage la présence des deux vieilles dames en vacances s’extasiant autant devant les vitrines des pâtisseries et autres que devant les paysages et d’autre part, les séquelles du mensonge qui cadenasse Jewell et entrave par moments son naturel enjoué.
Le scénario du film est comme un château de cartes à tout instant exposé à son effondrement. Mais l’échafaudage tient bon et se joue de toutes les invraisemblances qui, comme par magie, tombent aux oubliettes.
« On ment toujours à ceux qu’on aime » est servi par une distribution magnifique que dominent Marthe Keller, Fionnula Flanagan et un Jérémie Elkaïm touchant.
Monia Chorki compose une Jewell forte de ses fragilités de sa fantaisie et de ses fêlures.
Sandrine Dumas signe là un film sensible et tonique. Une belle histoire totalement aboutie…
Francis Dubois
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