Alors que dans les rues avoisinantes, la révolte gronde et que s’opposent de façon musclée forces de l’ordre et manifestants, se présentent à la réception de l’Hôtel Occidental, deux hommes, Antonio et Giorgio au curieux accent italien et qui demandent à occuper la suite nuptiale de l’établissement.
Leur présence troublante (sont-il des malfrats qui, profitant de l’effervescence de la rue préparent un mauvais coup, un simple couple d’homosexuels ou deux touristes en «représentation provocatrice» ?) va modifier l’atmosphère plus endormie que paisible de l’hôtel, interroger le personnel et les rares clients face aux comportements étranges, jusqu’à ce que l’établissement devienne le théâtre d’une suspicion générale.
Neil Beloufa est plasticien. Le cinéma était jusque là un domaine qui lui était étranger au plan professionnel.
Durant deux années, avec une petite équipe, il a construit le décor de cet Hôtel Occidental dans un atelier de Villejuif et dès lors que le décor a été là, il s’est senti obligé de l’utiliser et ce fut à des fins cinématographiques.
La démarche est atypique et le film ne l’est pas moins.
A la fois en référence au cinéma américain des années 50, il lorgne du côté de l’exercice de style contemporain ou comme le revendique le cinéaste, vers le film de facture «normale» ce qui veut sans doute dire un film qui «raconte une histoire», aussi chaotique soit-elle.
L’esthétisme général du film indique que cette histoire se déroule de nos jours mais les costumes, qu’ils soient intemporels ou anachroniques, indiqueraient plutôt les années soixante-dix.
Le film est volontairement anti-naturaliste, parfois théâtral, un univers où il est difficile de démêler le vrai du faux et parfois même l’acteur du personnage.
Même si ça veut dire grand-chose, « Occident» est de coloration baroque.
Il s’y mélange, dans une atmosphère très organisée, humour et inquiétude, clins d’œil et gravité et si les films auxquels Neil Beloufa dit s’être référé vont de « Muriel ou le temps d’un retour » d’Alain Resnais à Nicolas Ray ou Vicente Minelli, c’est plutôt à Fassbinder qu’on pense pour ce que le film trimbale d’ambiguïtés, de provocation, dans une proportion telle qu’on est en porte à faux, sans savoir jamais tout à fait si on doit rire ou prendre ce qu’on nous donne à voir au sérieux.
« Occident » est un film complètement inattendu, qui prend de court, dont on sort avec une foule d’impressions diverses mais qui, dès lors qu’on l’a identifié, reconnu, apparaît comme une œuvre peut-être espiègle mais totalement assumée et aboutie.
Si toute la distribution d’ «Occidental» constituée de professionnels et de non-professionnels est parfaite, il est à mentionner la présence de Paul Hamy, comédien charismatique qui, depuis quelques temps apparaît dans des films exigeants et qui risque de devenir un de nos grands de l’écran (à retrouver dans « 9 doigts»).
Au final, on ne peut que recommander d’aller voir «Occidental» même si des spectateurs pourront nous reprocher un tel conseil.
Il faut absolument y goûter et voilà qui pourrait clouer le bec à tous ceux qui reprochent au cinéma français de se répéter et de tourner autour du nombril.
Francis Dubois
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