Jamel a été condamné à une peine de prison ferme pour différents vols, escroqueries et récidives et Noura a demandé le divorce d’autant plus déterminée à retrouver sa liberté qu’entre temps elle a rencontré Lassad, un ouvrier carrossier charismatique avec qui elle file clandestinement le parfait amour.

Le divorce est sur le point d’être prononcé quand Jamel, bénéficiant d’une amnistie présidentielle, est relâché avant le fin de sa peine.

Or, la loi tunisienne punit très sévèrement l’adultère et si la relation que Noura entretient avec Lassad était découverte, celle ci pourrait être condamnée à une peine de prison de cinq ans assortie d’une amende conséquente.

Dès lors, Noura va devoir jongler entre son travail (elle est lingère dans un hôpital), ses jeunes enfants (au nombre de trois), un mari suspicieux, un amant exigeant….

Cinéma : Noura rêve
Cinéma : Noura rêve

Le premier court-métrage réalisé par Hinde Boujemaa «  Et Roméo a épousé Juliette » était déjà une radiographie du mariage tout comme son documentaire «  C’était mieux demain  » questionnait les rapports hommes-femmes.

Pendant le tournage de ce dernier film, la cinéaste a suivi une femme en grande difficulté pendant un an et demi. Elle l’a accompagnée dans sa recherche d’un toit et sa tentative de reconstruire sa vie à une période de l’histoire tunisienne où la révolution avait donné l’impression qu’on pouvait tout effacer et repartir de zéro.

C’est l’accompagnement de cette femme dans une situation précaire qui a nourri le projet de Hinde Boujemaa. Et plus tard ce sont les témoignages de nombreuses femmes questionnées dans le cadre d’une association qui ont amené à la fiction.

L’adultère est, dans le monde arabe, un sujet tabou qu’à travers «  Noura rêve » la cinéaste questionne frontalement et avec beaucoup de courage.

L’écriture de Hinde Boujemaa est d’une grande subtilité et le contour de ses trois personnages principaux particulièrement travaillés, font qu’ils échappent au danger du stéréotype.

Jamel agit dans un domaine où on ne l’attendait pas. On s’attendrait à quelqu’un qui exprime de la violence alors qu’il fait preuve d’une certaine tolérance face à l’indifférence que lui témoigne Noura.

Le personnage de Noura étayé par l’interprétation à la fois puissante et nuancée est un portrait de femme qu’une situation complexe tient en permanence sur le fil du rasoir.
Celui de Lassad, homme charismatique, amoureux exigeant apporte un contrepoids à une histoire à la fois « exemplaire » et totalement originale.

Aucun surlignage n’alourdit le propos et le film comme les personnages sont souvent là où on ne les attend pas.

« Noura rêve  » est un film éminemment politique qui dresse le portrait d’un pays où la revendication des libertés se joue à un niveau individuel dans la lutte difficile contre les carcans de la tradition et de la religion et de certaines lois obsolètes.

Un magnifique portrait de femme en lutte. Un film passionnant.

Francis Dubois


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