Jean-Gabriel Périot a répondu à une invitation de la ville d’Ivry-sur-Seine via son cinéma municipal le Luxy, pour animer un atelier dans la classe de 1ère option cinéma du Lycée Romain Rolland.
Pour le cinéaste, le point de départ du sujet était de permettre à une douzaine d’adolescents de se confronter à un domaine qui leur était totalement inconnu, en l’occurrence le cinéma politique et engagé des années post 68.
Se référant à des séquences de films de l’époque, à des citations, des propos de cinéastes, ils allaient devoir, pendant une année scolaire, se réapproprier des images et des mots éloignés d’eux, une approche qui les amènera à parler d’eux-mêmes, de leurs rapports à leur propre époque depuis ces mots-la, ces images-là.
Jean-Gabriel Périot a proposé aux élèves une trentaine d’extraits de films. Certains de ces extraits les ont laissés indifférents et à l’inverse, ils se sont enthousiasmés pour d’autres.
Peu rodés au documentaire et au cinéma politique ou engagé, ils ont été surpris de constater que puissent exister des films si réalistes, si proches des gens.
Contre toute attente, ils ont été d’emblée intéressés par un extrait de « La salamandre » d’Alain Tanner.
Il s’agissait pour eux, une fois les extraits de films choisis, de les jouer, de réaliser un remake de certaines scènes et le résultat qui est assez stupéfiant, se situe à deux niveaux.
Pendant que s’était constituée une équipe technique et que chacun était à son poste, à la caméra, au cadre, au son, aux éclairages, d’autres élèves faisaient les acteurs.
La séquence de « La salamandre » qui ouvre le film ou plus tard celle de la reprise du travail aux Usines Wonder d’Hervé le Roux, dans le remake, sont impressionnantes de précision, de justesse et de concision de jeu, d’un totale implication à la situation donnée.
On pourrait croire à assister au visionnement de ces séquences que le feu du jeu dramatique qui anime les séquences, provient de la part des élèves, d’une connaissance du sujet traité.
Or, on découvre dans les réponses données aux questions qui leur sont posées parallèlement : qu’est-ce que le communisme, le capitalisme, le syndicalisme, que pour la majorité d’entre eux, la méconnaissance en matière de politique est abyssale. Leurs réponses sont hésitantes et le plus souvent vides de contenu, parfois impressionnantes d’ignorance quand une des élèves confond syndicalisme et patronat.
C’est là que le film de Jean-Gabriel Périot pose la vraie question et trouve son vrai sujet.
A deux ou trois exceptions près, la méconnaissance en politique et de la situation sociale du monde dans lequel ils vivent et sont immédiatement impliqués, l’imprécision des réponses qu’ils donnent doublé d’une difficulté à s’exprimer et à formuler leurs réponses, témoigne d’un désert culturel. Un tel degré d’ignorance dans des domaines de proximité, à une époque où il est pourtant difficile d’échapper aux médias, impressionne et interroge.
A qui revient la faute d’un tel degré d’ignorance, dans certains cas à un milieu familial peu engagé où les échanges sur les questions de fond n’existent pas, au rôle insuffisant de l’éducation, des enseignements ou plus sournoisement à une volonté souterraine qui resterait mystérieuse d’entretenir le plus possible les prochaines générations dans une ignorance pour qu’ils soient mieux préparés à devenir des à « quoi bonistes », des adeptes du tous pourris, des citoyens passifs, des électeurs peu renseignés sur les enjeux.
Pour qu’il y ait défaite, il faut qu’il y ait combat et les « Défaites » du titre ne sont-elles pas celles d’une société, de cette société atone qui laisse les jeunes générations dans l’ignorance totale de ce qui pourtant accompagnera leur existence ?
Impressionnant.
Francis Dubois
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