Joaquim vit pauvrement dans une habitation vétuste avec son épouse, ses deux petites filles et sa belle-sœur, à la périphérie de Manille.

Un accident va lui faire perdre son travail et Eliza va devoir trouver le moyen de remédier au manque à gagner. Pour vivre et payer les endettements de la famille, elle a recours à une usurière à qui elle confie un jour une bague à laquelle elle tenait beaucoup.

Ne supportant pas l’idée que sa femme ait pu être amenée à se séparer du bijou, Joaquim tente de faire fléchir l’usurière. Face à son refus, il perd son sang-froid et la menace devant témoin.

Un groupe d’étudiants se retrouvent régulièrement pour échanger leurs idées et imaginer comment changer le monde.

Mais ces bons-vivants de nature rigolarde, seront-ils un jour à même de mettre leurs grandes idées en pratique. Leur grands discours sont-ils un engagement ou de simples paroles en l’air.

L’un d’eux, Fabian, a recours à la même usurière qu’Eliza. Un jour qu’il se rend chez elle pour assainir des comptes, il la poignarde et poignarde aussi, puisqu’elle était témoin du meurtre, sa fille adolescente.

Cinéma : Norte
Cinéma : Norte

Pour avoir un jour, menacé l’usurière devant témoin, c’est Joaquim qui est accusé de l’assassinat. Il est condamné à une lourde peine de prison alors que Fabian ne sera jamais soupçonné.

Plus courageuse que jamais, pour faire vivre sa famille, Eliza devient marchande de légumes ambulante.

Cependant, au fil des années Fabian est de plus en plus tourmenté par sa lâcheté et l’emprisonnement d’un innocent. Pour se dédouaner, il donne de l’argent à Eliza.

Jusqu’au jour où il renoue avec ses anciens amis devenus tous des avocats. Il leur demande d’intervenir pour que soit rouvert le dossier de Joaquim et parvient à les convaincre de prendre sa défense en charge.

Sur cette trame narrative qu’on pourrait prendre pour une adaptation de «  Crime et châtiment « , Lav Diaz qui fait maintenant partie des cinéastes cultes de ce début de millénaire, réalise un film « plein écran » dont l’ampleur n’a d’égal que sa tonalité intimiste.

Il relève un défi et impose un exercice de cinéma qui pourrait renvoyer dos à dos le cinéma de genre et les séries télévisuelles.

Car «  Norte » est un film où se mêlent l’amour du cinéaste pour son pays, son amour du cinéma et la fable politique.

Pendant plus de quatre heures, Lav Diaz nous passionne avec des plans fixes, de longs plans- séquence, des temps de silence, des actions du quotidien filmées en temps réel et des comédiens magnifiquement employés.

A quoi tient ce miracle de cinéma ? A quoi tient qu’à aucun moment, l’intérêt ne baisse pour cette histoire qui prend son temps, que pas une image ne semble être de trop, qu’un film qui pourrait être qualifié de « thriller intime », tient en haleine ?

« Norte » est un film social sans la moindre lourdeur, un mélodrame sans épanchement, une œuvre vaste, ample pour traiter de l’intime. Un film « intime » sans aucun recours à la psychologie, sans que soit porté le moindre jugement sur les personnages et leurs agissements.

Chaque plan est minutieusement composé avec au premier plan, le motif principal et en profondeur, des présences et des mouvements qui, de façon souterraine, nourrissent le récit. Chaque image est dense, vivante, et porteuse de la prochaine.

« Norte  » appartient à ce cinéma qui fait avancer le cinéma, qui contribue à en faire autre chose qu’un art immobile.

Francis Dubois


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