Dans la République islamiste d’Iran, les femmes n’ont pas le droit de chanter en public, du moins en soliste et devant un public où des hommes sont présents.
Sara Najali, compositrice de chansons a décidé de s’élever contre cet interdit.
Elle tente d’organiser un concert officiel pour femmes solistes auquel participeront non seulement des iraniennes mais également deux françaises, Elise Caron et Jeanne Chéral et une tunisienne.
Les préparatifs et toutes les démarches semées d’embûches à la périphérie du projet sont filmés par son frère Ayat Najali dans le but de fabriquer un documentaire : « No land’s song »
Convaincre le père d’une chanteuse de laisser sa fille participer au projet, convaincre les chanteuses françaises de puiser dans le répertoire perse d’avant le révolution islamiste, convaincre les musiciens français et iraniens de s’accorder, ne représentent pas les obstacles les plus difficiles à franchir.
Les vraies difficultés commencent quand Sara décide de défier le pouvoir et la censure et de montrer, sans dissimuler, comment fonctionnent les interdits de l’intérieur.
La caméra d’Ayat Najali va au plus près du système répressif présenté dans toute l’étendue de son absurdité quand Sara, vêtue de noir de pied en cape, entre au Ministère de la Culture et de la guidance islamique.
Dès lors que l’entretien se déclenche, l’écran devient noir et seules les voix des fonctionnaires se font entendre.
Face au refus des autorités d’autoriser le concert, Sara s’adresse à un théologien. Les arguments que développe « l’érudit en religion » sont à ce point imprécis, fantaisistes et rocambolesques, qu’ils en deviennent cocasses.
« No land’s song » ne se contente pas de dénoncer l’absurdité d’un système de censure infondé. En rendant hommage à de grandes chanteuses d’avant la révolution qui animaient les cabarets de Téhéran, il permet de mesurer à quel point les mentalités ont régressé.
On découvre la savoureuses Delkash qui osait, dans les années soixante, évoquer les bienfaits de l’ivresse en robe moulante et chanter en vidant à la suite, de petits verres d’alcool.
Ou encore la divine Qamar ol-Moulouk Vaziri, surnommée la « reine de la musique persane » qui, dans les années 20, chantait sans voile au Grand Hôtel de Téhéran.
A la suite de l’échec de son projet que les autorités acceptaient de voir se produire à condition qu’il ait lieu dans une modeste salle de répétition et qu’elles disposent de le liste détaillée des spectateurs qui y assisteraient, Sara garde l’espoir de remettre sur pied un concert pour femmes solistes…
Pour le moment les résistances de la censure sont encore trop fortes alors que le documentaire peine encore à s’imposer même si au Festival des films du Monde à Montréal, il a obtenu le Prix du Meilleur documentaire.
Aucune diffusion n’est prévue en Iran mais tous espèrent qu’il sera piraté et revendu sous le manteau.
Car, dit Ayat Najali, le film est avant tout, destiné aux iraniens…
Francis Dubois
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