Entre Paris, Prague, Nuremberg, Manchester, la Pologne ou le littoral romain, «Nico 1988» est un road-movie retraçant les dernières années de la vie de l’artiste Christa Päffgen plus connue sous le nom de Nico qui mourut prématurément le 18 juillet 1988 à Ibiza.
Après avoir posé pour les magazines « Vogue » « Jardins des Modes » ou « Elle » Christa Päffgen fait le mannequin pour Coco Chanel, Sous le nom de Nico elle apparaît dès la fin des années cinquante dans des films d’Alberto Lattuada, de Rudolph Maté avant d’être remarquée par Federico Fellini qui, frappé par son charisme, lui offre un rôle dans «La dolce vita».
C’est par hasard qu’elle enregistre une chanson produite par Serge Gainsbourg,
En 1964 Nico enregistre son premier titre dans l’ombre des Rolling Stones. Elle rencontre Bob Dylan à qui elle inspire une chanson et commence à travailler pour Andy Warhol et Paul Morissey et collabore à leurs films expérimentaux. Après quoi, Warhol l’impose au Velvet Underground qu’elle quittera un peu plus tard pour entreprendre une carrière solo. Elle enregistrera dans les décennies suivantes, en artiste inclassable, une série d’albums aujourd’hui acclamés par la critique.
Puis c’est en France, sa rencontre avec Philippe Garel avec qui elle tournera pas moins de sept films entre 70 et 79, devenant ainsi la figure centrale de l’œuvre et de la vie du jeune cinéaste représentant à l’époque du cinéma underground français. Au début des années quatre-vingt, elle s’installe à Manchester et dès lors, sa notoriété la classe comme une influence de la scène rock gothique.
C’est un peu plus tard qu’elle entame sa tournée en Europe, au Japon et en Australie.
«Nico 1988», le film de Suzanna Nicchiarelli commence avec deux silhouettes qui se découpent sur fond de ciel rougeoyant. La petite fille questionne sa mère et la réponse tombe : ce que les deux silhouettes regardent, c’est Berlin en flammes.
Du bombardement de la ville, l’image passe sans transition au ciel bleu d’Ibiza où une femme enfourche son vélo pour une simple promenade de vacancière.
Toute la vraie histoire de Nico-Christa tient entre ces deux visions : celle de la guerre destructrice qu’elle a connue enfant et celle de cette femme en vacances qui va mourir des suites d’une chute de vélo.
Loin du biopic qui retracerait l’itinéraire chaotique et sulfureux de l’artiste, Susanna Nicchiarelli a réalisé un film sur la femme qui se cachait derrière Nico, la vraie Christa et exprimé à travers elle ce qu’une femme à la fois profondément artiste et mère peut traverser d’essentiel dans sa vie.
La réalisatrice a utilisé les regards qu’ont portés sur elle ses partenaires, de son manager aux membres de son groupe, des proches, pour décrire, par l’angle intime de sa personnalité, la nature profonde du personnage.
Son film nous entraîne dans la dernière tournée de Nico et il faut, pour entrer dans cette période, oublier l’image de l’icône blonde.
Nico, interprétée ici par Trine Dyrholm est méconnaissable. Le visage, quoi qu’empâté, presque rendu bouffi par les excès d’alcool et de drogue, garde toute sa dignité, la force du regard et sa puissance jusque dans la fragilité.
«Nico 1988» recrée l’atmosphère d’un groupe rock de seconde zone dans les années 80 au hasard de la tournée mal organisée d’une star déchue avec tout ce que ça peut comporter de plaisir malgré tout, d’ironie, de cruauté et de drame…
Le film resserré sur le temps d’une tournée, résume sans doute mieux que s’il avait couvert toute la vie de l’artiste, la vérité sur un personnage qu’on considère comme une icône mais qui était surtout une femme passionnée par la musique et pétrie d’amour maternel….
Superbe!
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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