Pendant vingt-cinq ans, l’émission Strip-tease a débusqué en France et en Belgique, sans filtre ni concession, des situations et personnages atypiques. Cette émission programmée sur France 3 et la RTBF a marqué un vrai tournant dans l’histoire de la télévision. Elle continue de provoquer réactions et débats. Considérée comme un émission culte, Strip-tease semble aujourd’hui être entrée en résistance en regard à une télévision de plus en plus formatée. L’émission a cela de commun avec le cinéma qu’elle décrypte la société mais avec des scénarii qui seraient construits à partir de la pure réalité.
Jean Libon et Yves Hinant ont-ils eu une bonne idée en réalisant un long métrage de cinéma, façon Strip-tease, en respectant les codes de l’émission-culte ? Ont-ils su marquer assez de frontières entre le ton de l’émission télévisée et celle de sa transposition au cinéma ? Ont-ils réussi à faire, à partir d’un sujet de témoignage, un film qui ait une résonance sociale ou politique et à dépasser les limites de l’émission de divertissement même si elle est chargée d’une certaine cruauté ? Pas sûr.
Anne, la juge d’instruction du film de Jean Libon et Yves Hinant est un personnage haut en couleur, quelqu’un n’a ni froid aux yeux, ni sa langue dans sa poche. Si elle était comédienne, cette femme pétulante pourrait appartenir à la catégorie des actrices de comédie avec son œil vif et cette façon bien personnelle de distiller les répliques en leur apportant, entre candeur et malice, une coloration savoureuse.
Personnage à contre-courant, grand amateur de pâtisseries qu’elle consomme entre deux rendez-vous avec des prévenus, offrant des bonbons à ses visiteurs, elle sillonne les rues de Bruxelles au volant d’une 2CV d’une autre époque et se permet ici et là des remarques qui, dans une autre bouche que la sienne, pourrait faire bondir.
« C’est dommage, il était pas mal de sa personne » lance-t-elle à propos d’un jeune prévenu insolent au physique ténébreux de voyou au moment où celui-ci quitte son bureau.
Et au cours de l’exhumation d’un corps pour une recherche d’ADN, elle lance, pendant qu’on scie un os, extrait des dents du cadavre, des commentaires complètement inattendus de la part d’un fonctionnaire de la justice.
On la voit se montrer très curieuse à propos des pratiques sado-maso que révèle une jeune femme qui répond aux demandes de clients, redouble de questions et suspend, le temps de la réponse ses doigts au-dessus du clavier, et on s’interroge, dans ces moments-là, sur les raisons qui ont amené les deux cinéastes à réaliser ce film.
Film de pur divertissement ou film témoignage sur une époque ? Un film de divertissement, à coup sûr!
Le grand écran ne change pas grand chose au principe de l’émission et on passe le même bon moment face au film de cinéma des deux réalisateurs que celui qu’on aurait passé chez soi, devant son téléviseur.
Il y a quelque chose de «malin» dans cette transposition.
Francis Dubois
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