Daniel Blake a exercé le métier de menuisier jusqu’au jour où, à cinquante-neuf ans, victime d’un accident cardiaque, il est contraint de cesser de travailler et de faire appel à l’aide sociale.

Alors que les médecins qui le suivent s’opposent à la reprise de ses activités professionnelles, il se voit contraint par les services sociaux de démarcher pour un emploi sous peine de sanctions qui le laisseraient temporairement puis définitivement sans revenus.

Dès lors l’homme fatigué et diminué se heurte à un fonctionnement administratif kafkaïen.

Au cours d’un rendez-vous au « Job center », Daniel croise la route de Rachel mère célibataire en charge de deux jeunes enfants qui a été contrainte pour l’obtention d’un logement, de s’exiler à quatre-cents kilomètres de sa ville natale et de se voir ainsi privée du soutien de sa famille londonienne..

Ensemble, pris dans les filets des aberrations administratives, ils vont tenter de s’entraider mais comment lutter contre une spirale absurde nourrie de contradictions révoltantes.

Cinéma : Moi, Daniel Blake
Cinéma : Moi, Daniel Blake

Sur le thème universel de la lutte pour survivre de laissés pour compte de la société, Ken Loach a réalisé un film dont la force réside dans le traitement frontal de faits qui pourraient apparaître comme des clichés démonstratifs s’ils ne faisaient écho au fonctionnement déshumanisé d’un monde actuel où en matière de plongée dans la misère, la réalité peut dépasser la fiction.

La confrontation des personnages à une administration soumise à des résultats chiffrés, fonctionnant hors de toute logique, l’incertitude d’un quotidien, la remise en question permanente des acquis donnant lieu à des périodes de privation, renvoie l’époque contemporaine à des situations de misère comparables à celles que Victor Hugo décrivait dans «  Les misérables « .

Ken Loach et son scénariste, sans jamais forcer le trait font accéder le récit de «  Moi, Daniel Blake  » au mélodrame, la misère contemporaine n’ayant rien à envier à celle qui sévissait au cours des siècles passés.

La garantie de survie n’est plus assurée et on peut dorénavant concevoir qu’au vingt et unième siècle, une mère de famille en soit réduite à la sous-alimentation, qu’elle soit acculée à commettre des vols dans les magasins pour tenter de garder la tête hors de l’eau et entretenir un semblant de dignité.

Le « Job center » qui gère le suivi social de Daniel Blake et de Rachel n’a plus pour mission d’assurer la survie des chômeurs. Ses objectifs sont de radier des listes le plus possible de ces hommes et femmes démunis pour atteindre un quota fixé par la hiérarchie.

Face à ces machinations le recours au bon sens ou à la révolte se heurtent à un véritable mur.

Qui aurait pu prédire que le mélodrame serait la coloration narrative qui conviendrait pour rendre compte des conditions de vie de ceux que la vie a mis sur la touche et que la société rejette ?

Ken Loach y a recours sans la moindre complaisance, sans jamais exploiter, que pour en rendre compte, l’étendue du dénuement et de la misère où se débattent ses personnages.

On pourra reprocher à Ken Loach de cumuler les palmes d’or ou de faire à chaque fois le même film social. Au lieu de ces réserves, il faudrait plutôt saluer son immense talent de metteur en scène et son obstination à dénoncer des systèmes criminels qui tendent à écarter les plus fragiles.

Il y a cinquante ans Ken Loach réalisait «  Cathy comes home  » qui racontait également l’histoire de gens dont la vie était profondément bouleversée par leur situation économique.

Au lieu d’une amélioration, on note cinq décennies plus tard que le monde est devenu plus cruel encore, que le libéralisme grandissant favorise plus encore le maintien d’une classe ouvrière vulnérable et facile à exploiter, à la marge de la société..

Francis Dubois


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