Étienne quitte Lyon, la fille qu’il aime et ses parents, pour entreprendre des études de cinéma dans une faculté parisienne. Il y rencontre Mathias et Jean-Noël deux passionnés de la pellicule.
Ils feront un bout de chemin ensemble, le temps de voir leurs projets prendre des voies différentes, de voir l’amitié qu’ils avaient forgée se dissoudre pour laisser place à d’autres et à des activités qui, si elle ont toujours à voir avec le cinéma, sont devenues bien moins ambitieuses
Jean-Paul Civeyrac a été étudiant à la Fémis. L’école où, plus tard, devenu cinéaste, il a dirigé le département de réalisation avant de devenir enseignant à Paris VIII.
Au total pendant trente ans, il aura été en contact permanent avec des étudiants de cinéma.
Un jour il découvre «L a porte d’Ilitc h» de Marlen Khoutsiev et le visionnage de ce film crée un déclic. « La pore d’Ilitch » raconte l’histoire d’une amitié entre trois jeunes garçons au départ de leur vie.
C’était en juin 2016 et dès juillet, JP Civeyrac commençait à écrire un récit d’initiation qui parle de cinéma, d’amitié, d’amour et de politique.
La ferveur cinématographique des personnages de « Mes provinciales» est celle qui anime ceux pour qui réaliser des films est une quête existentielle.
Leur désir de réaliser des films, si inébranlable qu’ils puissent le ressentir, va se cogner à une réalité qui les contraindra à des concessions, à des accidents de parcours, des déceptions et à réviser l’ampleur de leurs ambitions.
Étienne est un provincial qui «monte»à Paris pour réussir. A Lyon, il se sentait doué, invincible mais arrivé sur place, confronté aux autres, face à l’émulation et à la concurrence, une première strate de son rêve se désagrège. Il s’en suit des périodes où alternent les enthousiasmes les plus fous et les doutes les plus terrifiants. Étienne comme ses camarades va voir des pans entiers de ses certitudes s’effondrer, l’amour qu’il vouait à celle qu’il considérait comme sa fiancée s’évanouir, les projets qu’il croyait voir aboutir traîner en longueur, les amitiés sur lesquelles reposait l’essentiel de sa vie d’étudiant tomber à l’eau ou virer au drame.
Le film de Jean-Paul Civeyrac fait aussi bien référence à « Mes petites amoureuses » de Ribaud quand il s’agit des relations amoureuses du jeune homme, qu’à Pascal et notamment à ce qu’il dit de l’imposture, de la pureté des intentions et de ce qui en résulte quand elles deviennent des actes. Étienne apprendra par la force des choses à ne pas se leurrer lui-même, à ne pas s’illusionner sur ses propres capacités artistiques et sentimentales.
« Mes provinciales » pourraient renvoyer au «Rendez-vous de Juillet» que Jacques Becker tourna en 1949 et être perçu comme un arrêt sur image, comme un instantané intemporel qui rendrait compte de l’état d’une jeunesse pleine d’illusions mais que la réalité recadre. Le fait que les jeunes gens du film soient des prétendants à la réussite cinématographique n’empêche pas le film de porter un regard universel sur le jeunesse d’aujourd’hui.
Jean-Paul, qui aime ses personnages, les accompagne dans la découverte de la vie, la chute de leurs illusions, le recadrage de leur parcours. Il le fait en laissant au temps le temps de filer, en les observant finement, en les écoutant, en leur laissant le temps qu’il faut pour aimer, croire ou trahir.
Le choix du noir et blanc contribue à l’universalité du propos même si, avec beaucoup de soin, beaucoup de fluidité, beaucoup d’émotion, Jean-Paul Civeyrac cible aujourd’hui et tout de suite..
Un film intimiste mais aussi une vaste fresque. Et l’on quitte la projection avec ce goût d’amertume et de miel qui est peut-être le vrai goût de la vie.
Francis Dubois
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