En Italie à la fin du XVIème siècle, Menocchio, meunier autodidacte d’un petit village perdu des montagnes du Frioul, est accusé d’hérésie pour avancer des idées personnelles sur la pauvreté, l’amour, la croyance et la pratique de la religion.
« Menocchio » raconte le combat de cet homme obéissant à ses convictions face à un pouvoir aveuglé par ses certitudes.
Dans le Frioul, depuis trente ans, un centre culturel porte le nom de Menocchio, des pièces de théâtre en ont fait leur sujet et sont étudiées à l’école.
Alberto Fasulo qui vivait tout près du village de Pedemontana s’est intéressé à l’homme et s’est penché sur les comptes-rendus originaux de son procès.
Très vite, le personnage est devenu à ce point incontournable pour le cinéaste que le rêve récurrent qu’il faisait était hanté par le regard de Menocchio, les yeux à la fois chaleureux et enragés d’un homme dont la faute était d’être en avance sur son temps.
« Menocchio » est il un film sur la liberté d’expression à une époque où la question se posait peu et où, cependant, un homme comme ce simple meunier de village revendiquait la liberté de pensée comme un droit, jusqu’à se sacrifier pour elle ?
Et c’est ainsi que le destin de Menocchio et sa détermination évoquent quelque chose de très actuel surtout à notre époque où seules la communication et les images comptent.
La parabole de Menocchio n’est pas seulement celle d’un martyr envoyé au bûcher pour ses idées. Son histoire est beaucoup plus complexe, plus contradictoire, plus humaine.
Considéré par le pouvoir, le système et la communauté comme un hérétique, Menocchio est contraint à renier ses idées pour échapper au bûcher.
Mais renier ses idées pour cet homme intègre reviendrait à bafouer sa propre conscience, à une trahison de lui-même et de la communauté à laquelle il appartient, à qui il a toujours fait part de sa propre version du monde en jurant qu’il était prêt à mourir pour sa défense.
Mais Menocchio pourra-t-il s’opposer jusqu’au bout au pouvoir ou sera-t-il contraint sous la pression de ses proches de se désavouer ?
On pouvait craindre, avec un travail sur la photographie très pictural, que l’esthétisme du film prendrait le pas sur son contenu.
Pendant une première partie du film, chaque plan apparaît comme un tableau et cette concession à l’esthétisme très réussie, très agréable à l’œil, aurait pu finir par placer au second plan le personnage de Menocchio mais bientôt, cet esthétisme se met au service du sujet faisant au final du film à la fois un objet très soigné et une plaidoirie sur la liberté de pensée avec en point d’orgue la magnifique prise de parole de Menocchio au cours de son procès.
Francis Dubois
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