Qu’est-ce qui a poussé Antoine à mettre Siméon en garde contre Marie avec qui il a été récemment lié ? La jalousie? Pas seulement. Car Antoine, qui est un écrivain en panne d’imagination, a peut-être besoin d’un nouveau moteur pour relancer la machine de l’écriture.

Qu’est-ce qui a poussé Siméon à suivre Marie jusqu’à l’approcher et à tomber amoureux d’elle ? Le besoin de se stabiliser, lui qui est un naufragé contemporain, un dilettante, un chômeur contraint de vivre en colocation.

Oscar qui partage avec lui son appartement est devenu le meilleur ami de Siméon. Il l’accompagne, veille sur lui car il se souvient que par de brefs et mystérieux coups de fil, un homme l’a prévenu qu’un danger pouvait menacer Siméon s’il entamait une relation avec l’énigmatique Marie.

Que recherchent ces quatre personnages qui sont liés ensemble par quelque chose qui les dépasse ? Peut-être à satisfaire leur goût de l’aventure (même s’ils ne sont pas spécialement aventureux) ou tout simplement l’envie de mettre un peu de romanesque dans leurs vies…

Pour éclairer sur l’histoire de chacun, plutôt que d’user de la traditionnelle voix off, Sébastien Betbeder, a opté pour des séquences où, face caméra, à tour de rôle, Siméon, Antoine, Oscar et Marie livrent un fragment de leur biographie qui renseigne sur leur personnage, permet au spectateur de créer des images, au récit de se densifier et de ce fait, d’alimenter le romanesque.

Faut-il voir «  Marie est les naufragés « , qui est une comédie décalée, comme un marivaudage contemporain où la continuité d’un récit fragmenté s’égarerait dans des digressions, des apartés, des fulgurances poétiques qui peuvent l’éloigner à des lieues du récit principal ?

Peut-être parce qu’il faut se débarrasser des choses primordiales de sa vie pour mieux vivre l’instant.

Sébastien Betbeder fait de Siméon, le personnage principal du récit, quelqu’un qui flotte entre candeur et moments de certitude, un doux rêveur qui a parfois les pieds sur terre.

D’Antoine, un ours mal léché, un personnage rugueux qui joue à être un loup alors qu’il est un agneau et dont on ne saura jamais vraiment s’il est toujours amoureux de Marie ou si, la voyant lui échapper, il craint de perdre le fil du roman qui mûrit dans sa tête.

D’Oscar, une sorte de balancier qui veille sur le bon équilibre de l’autre et qui, plutôt que de rêver, passe une partie de ses nuits à déambuler, souffrant de somnambulisme.

De Marie qui trouve dans sa rencontre avec Cosmo, une stabilité artistique dans le domaine du clip vidéo avec lequel elle avait rompu autrefois.

Cinéma : Marie et les naufragés
Cinéma : Marie et les naufragés

Antoine et Oscar, partis à la recherche de Siméon allé retrouver Marie sur un lieu de tournage se retrouvent en compagnie de Cosmo pour une danse de réconciliation où chacun reconnaîtra sa ligne de vie.

Il faut revenir à la scène d’ouverture de « Marie et les naufragés  » pour mieux comprendre la texture du film, mieux savourer ses embardées poétiques, la nature diaphane des personnages, l’entrechoc de situations disparates : dans un bar où Siméon a atterri, il rencontre un homme légèrement aviné qui lui confie que l’entretien d’embauche auquel il vient de se soumettre a été un échec et que c’est cet échec qu’il est venu fêter ici.

Siméon trinque avec lui à son échec mais au moment de se quitter sur le trottoir, au lieu de serrer la main qu’il lui rend, l’inconnu le serre dans ses bras et lui confie qu’en réalité, il n’y a pas eu d’entretien d’embauche raté mais qu’il vient d’avoir des résultats d’examens médicaux désastreux…

«  Marie et les naufragés  » est une œuvre attachante, ponctuée de fulgurances. Le film, s’il n’est pas toujours pleinement abouti a le mérite de d’ouvrir une brèche positive dans la production « label France » où s’est parfois enlisé le cinéma français.

Francis Dubois


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