«Manifesto» réunit des manifestes futuriste, dadaïste, situationniste ainsi que les pensées d’artistes, d’architectes, de danseurs et de cinéastes à travers différents personnages incarnés par une seule et même comédienne. Des architectes, danseurs et cinéastes tels que Sol Lewitt, Yonne Rainer ou Jim Jarmusch y sont cités.
Cate Blanchett qui endosse tous ces personnages scande ces manifestes composites pour exposer ces textes historiques à l’épreuve de notre monde contemporain.
Par treize fois, en apparaissant sous des aspects contrastés, à chaque fois méconnaissable sous les grimages, elle se fait la porte-parole de différents artistes qui, à travers leurs idées exprimées, mettent sur la sellette, le monde actuel.
Au cours de sa jeunesse, comme la plupart de ceux qui s’intéressent à l’art, Julian Rosefeldt a étudié Dada, Fluxus, les surréalistes et les futuristes de façon superficielle.
Il y est revenu par la suite à l’occasion du manifeste de la poétesse-chorégraphe Valentine de Saint-Point.
Dans l’intervalle, il avait eu l’occasion de rencontrer l’actrice Cate Blanchett et d’esquisser avec elle l’idée d’un projet cinématographique commun.
A la réflexion, les manifestes n’apparaissent pas seulement comme des documents sur l’histoire de l’art mais comme une matière vivante proche du théâtre et comme un baromètre qui donnerait des indications sur l’état de notre époque.
L’idée principale du film qui pointait dans les projets de Julian Rosefeldt n’était pas d’illustrer les principaux manifestes.
C’est à Cate Blanchett que revient la charge de les incarner en apparaissant à l’écran sous l’apparence d’une tradeuse, d’une mère conservatrice, d’une patronne, d’une oratrice funèbre, d’une punk, d’une chorégraphe, d’une enseignante, d’une ouvrière, d’une reporter, d’une marionnettiste, d’une sans-abri…. autant de personnages qui distillent, dans des contextes inattendus, des réflexions sur l’art.
Les performances ont une durée d’une dizaine de minutes chacune.
Certaines sont des monologues face caméra, d’autres sont mises en scène avec voix off et le dispositif met à chaque fois en valeur le contenu des textes et soutient par ses variations formelles, sa charge inventive, un propos revisité.
Ainsi lorsque Cate la speakerine de télévision ou Cate la présentatrice météo quand elle nous entretient à propos des valeurs de l’art conceptuel, la marionnettiste Cate autour de laquelle voisinent les poupées réalistes de Churchill, de Dali, de Freud…
« Manifesto» est un film passionnant et étonnant à double titre.
Par le parti pris de départ de mettre à jour les manifestes, à développer des idées transmises avec une énergie débordante et un enthousiasme utopique.
Mais l’idée première du film de Julian Rosefeldt n’était pas tant d’illustrer les principaux manifestes mais plutôt de permettre à Cate Blanchett de les incarner.
Et on en arrive à l’autre facette du film : assister, d’un personnage à l’autre, à la performance «acrobatique» de la comédienne, à ces transformations fascinantes, ces métamorphoses à vue qui sont une véritable performance.
Le propos du film passe dès lors au second plan pour laisser la place qu’ils méritent à ces défilés de personnages.
Un tournage en douze jours a exposé le projet de Julian Rosefeldt à de nombreuses contraintes et souvent, Cate Blanchett a dû endosser deux personnages au cours de la même journée…
Un film à la gloire de l’actrice dont l’immense présence pourrait faire écran au propos si la comédienne ne prenait, en grande dame de l’écran, à chaque fois, le relais.
Francis Dubois
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