Madame de la Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, vit une histoire d’amour sans nuages avec le Marquis des Arcis connu pour avoir, par le passé, multiplié les aventures éphémères. Mais après quelques années de bonheur sans faille, celle-ci découvre que le Marquis s’est peu a peu lassé de leur union.
Follement amoureuse et d’autant plus blessée, elle prend la décision de se venger de lui avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières et de sa mère que les hasards malheureux de la vie ont réduit à la prostitution et contraint à échouer dans un lieu de plaisir….
«Mademoiselle de Joncquières» est le neuvième long-métrage d’Emmanuel Mouret et son premier film en costumes. Son film est librement adapté du court récit conté par l’aubergiste dans «Jacques le fataliste» de Diderot.
Les désirs, les sentiments, les élans, les conflits qui traversent les personnages et les questions que soulève le récit ayant apparu très contemporains à Emmanuel Mouret, il a respecté le langage de l’époque, une certaine liberté narrative et une construction en plans séquences qui, associés les uns aux autres, libèrent le film du carcan de la reconstitution d’époque habituelle.
Si les réalisations précédentes d’Emmanuel Mouret s’appuyaient sur des sujets éminemment contemporains, les situations, les personnages, la tonalité des dialogues n’étaient pourtant pas éloignés du dix-huitième siècle de cette Mademoiselle de Joncquières.
Dans une époque comme dans l’autre, le personnages interrogent de la même façon les usages amoureux ou moraux. Et il y a, dans un siècle comme dans l’autre, un côté laboratoire à idées, à utopies, à remises en cause.
Car si Emmanuel Mouret, dans son adaptation s’attache naturellement aux deux personnages centraux et excessifs que sont Madame de la Pommeraye et le Marquis des Arcis, il a eu la bonne idée de leur associer un personnage qui n’existait pas chez Diderot, celui de la confidente et amie de l’héroïne dont la mesure, le bon sens la sensibilité et la fidélité en amitié sont une sorte de contrepoids au récit.
Les deux personnages de Madame de la Pommeraye et du Marquis des Arcis sont tout aussi louables qu’haïssables.
D’une part, une femme rancunière capable de tous les excès pour faire payer son humiliation et ses souffrances et d’autre part, un homme volage et entre eux deux, cette mère et cette fille qui ont été amenées à se prostituer.
Ici, vice et vertu cohabitent et leur association est vérifiable à tous moments, dans tous leurs actes…
Car toutes les dissimulations, corruptions, mensonges, trahisons, toutes ces actions contestables se font au nom de l’amour et si la Marquise agit diaboliquement, elle le fait aussi admirablement guidée par son amour blessé.
Tout comme le Marquis qui fait preuve, jusque dans son instabilité amoureuse, d’une grande pureté d’âme et de sincérité.
Le personnage de Mademoiselle de Joncquières, jeune fille pure et innocente en dépit des actes auxquels elle est contrainte, longtemps resté dans l’ombre, prend au fur et à mesure que le récit avance, l’importance qui lui revient et qui est annoncée dans le titre du film.
Magnifique travail d’équilibre narratif dont Emmanuel Mouret s’acquitte avec la virtuosité, l’élégance qu’on lui connaît.
Les promenades nombreuses qui ponctuent le film sont des moments charnières en même temps qu’elles offrent l’occasion de magnifiques images.
« Mademoiselle de Joncquières » n’est pas seulement une reconstitution élégante et raffinée. C’est une réflexion profonde sur l’amour exclusif et les mécanismes de la vengeance amoureuse.
Francis Dubois
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