Au moment où elle tentait d’atteindre la Chine, Madame B. une nord-coréenne a été vendue par ses passeurs à un paysan chinois.
Pour gagner sa vie et aider les siens (ses deux garçons et son mari) restés en Corée du Nord, elle devient à son tour passeuse et trafiquante de drogue.
Elle finit par faire passer sa famille en Corée du Sud et tente de les rejoindre avec un groupe de clandestins.
Au terme d’un long et périlleux voyage, Madame B finit par être accueillie par les services de renseignements sud-coréens.
Alors qu’il menait des recherches sur les réfugiés de Corée de Nord, le jeune réalisateur Jero Yun, rencontre Madame B. qui devient très vite son intermédiaire avec les ressortissants nord coréens réfugiés en Chine qu’il a pu interviewer.
Cette collaboration a engagé un rapprochement entre Jero Yun et Madame B au point que cette femme lui a demandé de faire un film sur elle.
Ce film est resté un temps à l’état de projet et le tournage n’a débuté que lorsque Madame B a pris la décision de passer en Corée du Sud et que le cinéaste a pu l’accompagner jusqu’en Thaïlande.
L’aventure s’imposait d’autant plus que la vie de Madame B. constitue un véritable scénario de fiction et qu’elle même est devenue un fascinant personnage de cinéma.
Mais le film est demeuré à l’état de documentaire dans la mesure où les événements ne sont pas allés dans le sens où l’aurait désiré Jero Yun.
Le réalisateur s’est laissé porter par le déroulement des faits avec comme premier souci, celui de respecter l’histoire aventureuse de Madame B.
Il a accompagné son personnage, en se mêlant à d’autres clandestins nord-coréens pour une traversée éprouvante et périlleuse de la Chine, du Laos et d’une partie de la Thaïlande.
Et Jero Yun, bien qu’éprouvé par les conditions difficiles du « voyage » s’est trouvé dans l’impossibilité d’abandonner le groupe et dans l’obligation d’aller jusqu’au bout du périple, d’une part pour boucler son film mais aussi par solidarité avec les clandestins auprès de qui il s’était engagé..
Les conditions du voyage, une blessure dont il souffrait, la faim, empêchaient parfois le cinéaste d’utiliser son matériel de prise de vues .
Une longue ellipse s’en est suivie. Elle prend fin avec l’arrivée de Madame B à Séoul. Elle était due à une séparation accidentelle des membres du groupe.
Jero Yun a, à la suite de cet éclatement, perdu tout contact pendant près de dix mois avec Madame B. qui, pendant ce temps, était interrogée par les services des Renseignements Généraux puis enfermée en centre de rééducation.
Les retrouvailles se sont passées à Séoul et le tournage du film a pu recommencer en présence de la famille reconstituée et, au final, Jero Yun aura pu partager le quotidien de Madame B. dans ses deux familles en Chine et en Corée du Sud.
Actuellement, Madame B ne vit plus avec sa famille nord coréenne. Elle s’est installée dans la banlieue de Séoul et elle retourne de temps en temps voir sa famille chinoise. Mais elle ne peut faire venir à Séoul son mari chinois qui ne peut pas obtenir de visa.
Malgré les difficultés de tournage, les interruptions, les ellipses, les interrogations sur la finalité du projet, Jero Yun est parvenu à réaliser un film cohérent et à trouver un bel équilibre entre la grande Histoire et l’intime.
Sa caméra est parfois très mobile mais elle établit une belle familiarité avec les personnages…
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu