« Madame » met en miroir les itinéraires de deux membres d’une même famille : Caroline, une grand-mère à la forte personnalité, aux parcours professionnel et intime atypiques et son petit fils Stéphane devenu cinéaste qui a longtemps hésité à choisir son identité de genre avant de devenir cinéaste et de défendre la cause homosexuelle.
Promise à une vie domestique dictée d’avance dans les années 1920, Caroline parvient à dépasser sa condition de fille d’immigrés italiens qui, après avoir échappé un mariage forcé, crée une société et s’impose comme une femme d’affaires particulièrement douée dans un monde habituellement régi par les hommes.
Face à elle, le personnage de Stéphane, son petit fils, s’annonce dès sa petite enfance comme un garçon « différent », très tôt assailli par des doutes et qui utilise le mensonge, s’engage dans de fausses pistes pour jouer le rôle d’un enfant modèle dans une famille conservatrice de la bourgeoisie de Genève.
Jusqu’au jour où il fait voler en éclats les verrouillages de son milieu en révélant et affirmant son homosexualité, devient militant et part en croisade contre l’homophobie et le sexisme.
« Madame » est traité comme une saga familiale mêlant dans une construction virtuose des extraits de films amateurs, des images d’archives privées qui appartiennent à trois générations et des séquences de moments actuels dans lesquels on retrouve la grande complicité qui ne s’est jamais démentie entre Caroline et Stéphane.
Les apparitions de la grand-mère, ses réparties, son sens de l’humour font mouche et apportent une respiration réjouissante à ce double portrait.
Les différentes étapes de l’évolution par à-coups de Stéphane, ses réticences à admettre les signes de sa féminité qui vont jusqu’à des réflexes homophobes, ses tentatives pour accéder à la « normalité » à une hétérosexualité qui lui ferait trouver sa place dans sa famille conservatrice sont autant de vœux pieux.
Sa préférence sexuelle profonde aura finalement de dessus et aucune foudre ne viendra le terrasser et Caroline à qui, du haut de ses quatre-vingts ans passés, chacun voulait éviter le choc de la révélation trouvera à partager avec son petit-fils des pistes nouvelles de complicité .
A soixante ans d’intervalle, deux chemins de vie atypiques, deux portraits attachants d’êtres débarrassés des carcans imposés pas les règles et qui trouveront les chemins de l’épanouissement personnel.
« Madame » crée un dialogue à la fois réel et fictif entre une figure tutélaire matriarcale et son petit fils gay au cours duquel les tabous de la sexualité et du genre sont remis en question….
Savoureux !
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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