En 1971, un jeune médecin portugais de vingt-huit ans est mobilisé et part pour deux années servir en Angola où sévit une guerre coloniale absurde et inutile.

Au moment de son départ, sa femme venait juste d’apprendre qu’elle attendait un enfant.

Depuis le poste militaire auquel il est rattaché, il lui écrit quotidiennement des lettres d’amour, poétiques, sensuelles et passionnées.

Ce jeune homme qui vit douloureusement cette séparation ne sait pas encore qu’il est en train de devenir un écrivain.

C’est Antonio Lobo Antunes dont deux cent quatre vingt lettres vont être publiées en 2005.

De ces lettres, Ivo M. Ferreira va tirer un film où il en propose; en voix off, une lecture intime qui leur donne vie.

C’était un vrai défi de la part d’Ivo M. Ferreira de trouver un support narratif à cette correspondance à la fois objet littéraire, document de guerre et histoire d’amour.

Pourtant, c’est à la lecture de ces lettres que s’est concrétisé le projet qu’il portait depuis longtemps de réaliser un film qui parlerait de la guerre coloniale.

Le film est la propre interprétation d’Ivo M.Ferreira des écrits d’Antonio Lobo Antunes et de l’histoire d’Antonio et Maria José.

Et il a choisi pour maintenir en équilibre son film entre témoignage et fiction, de le tourner dans un noir et blanc qui renvoie au documentaire.

Ce qui est donné à voir à l’écran est une représentation de la guerre à la fois universelle mais qui évite les clichés avec, au centre de cette représentation, un personnage de jeune homme que le récit privilégie actif et généreux, sociable, mais que la séparation d’avec son épouse isole.

Le texte des lettres souvent lyrique, poétique n’a pas d’incidence sur le récit et si le film frappe par la beauté des images, à aucun moment il n’esthétise la violence.

Le beauté du film tient à la simplicité avec laquelle il aborde la reconstitution d’un épisode guerrier, à l’élégance du récit, au fait qu’il est hanté par un personnage que les circonstances rendent fragile mais qui, à l’opposé de cela, dégage un véritable charisme.

La lecture des lettres, lancinante, si elle met en valeur les sentiments et un profond désir de l’autre, de sa présence, mais aussi de son corps, n’enflamme jamais une image qui ne perd pas de vue, et de façon réaliste, la représentation de la guerre, les ambiances d’un campement, la réalité des armes, le qui-vive constant, l’insécurité de chaque instant au cours d’une opération militaire.

Cinéma : lettres de la guerre
Cinéma : lettres de la guerre

Un long travail de préparation a fait que les acteurs qui allaient interpréter les personnages d’Antonio et de ceux qui composent la section, connaissaient parfaitement l’univers, le contexte et l’époque.

« Lettres de la guerr e» est à la fois un film intimiste sur l’isolement quand il exacerbe les sentiments, sur les conditions de vie d’êtres éloignés, égarés dans un chaos guerrier auquel ils n’étaient pas préparés, et l’histoire d’un pays, d’un drame collectif et d’une guerre absurde mais qui n’en a pas été moins meurtrière.

Une magnifique réalisation. Une œuvre fascinante…

Francis Dubois


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