Elles s’appellent Cherifa, Aziza, Janiaa, Mimouna. Ce sont des femmes de l’ombre, de celles à qui on donne rarement la parole. Femmes d’immigrés de la période des trente glorieuses, elles ont dû souvent renoncer à leur enfance, leurs désirs de jeunesse contre un mariage précoce et pour suivre un homme plus âgé qui leur a été imposé par leur père.
Elles sont veuves et dans de nombreux cas, elles ont dû élever seules leurs enfants. Elles ont fini par triompher de toutes les difficultés qu’elles ont rencontrées.
Leur victoire c’est leur résilience et leur volonté d’émancipation. Ce sont les objectifs qu’elles se sont donnés et leur détermination de femme-mère à les atteindre.
Lyèce Boukhtine a filmé sa mère durant des années, dans un premier temps pour lui-même, pour sa fille et sa famille afin de donner à comprendre aux jeunes générations ce qu’a été la vie de ces femmes d’immigrés que tout destinait à une vie végétative et de soumission.
L’élément moteur qui a amené ces femmes à dépasser les limites qui leur étaient tracées reste en premier lieu l’amour pour leurs enfants assorti d’un objectif, celui de leur donner le moyen d’avoir des conditions de vie meilleures que celles qu’elles ont connues.
Si les quatre femmes qui témoignent dans le film de Lyèce Boukhtine ont des personnalités, des profils différents, elles ont en commun un amour maternel immense dicté par l’instinct naturel mais également parce que leurs enfants ont été pour elles leur seule raison de vivre quand elle étaient privées pour la plupart de la liberté d’accéder, en tant que femmes, à la moindre ouverture sur le monde extérieur. Libérées du carcan d’un mariage frustrant, elles ont pu accéder à une autre vie et donner libre cours à leur besoin d’émancipation et à s’épanouir, pour certaines d’entre elles, professionnellement comme si tous les atouts dont elles disposaient avaient pu soudain éclore.
La dernière séquence du film résume à elle seule la vie de toutes ces femmes battantes.
En visite à Paris où elle rejoint sa petite fille, l’une d’entre elles fait une visite au Louvre. Elle découvre le musée, les peintures et fait montre d’une grande curiosité jusqu’à la Victoire de Samothrace, cette statue privée de tête qui symbolise toutes les victoires dont la sienne et celles de ces femmes victorieuses des obstacles de le vie.
Elle a pour elle sa curiosité, son ouverture sur le monde et sa petite fille ses connaissances et sa culture. Et voilà que le pas est franchi entre ces deux générations extrêmes.
Lyèce Boukhtine a conçu ce documentaire comme un film politique et comme un devoir de mémoire. Et comme le montre l’affiche du film, ces femmes admirables qui ont forcé le destin méritent de venir faire une pause sur les transats de la République…
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu