Yoel est un historien juif orthodoxe chargé de la conservation des lieux de mémoire liés à la Shoah.

Au cours de ses recherches, il enquête sur un massacre qui aurait eu lieu dans l’agglomération de Lendsdorf en Autriche à la fin de la Grande Guerre Mondiale. Ses investigations sur ces faits, restées jusque là patientes, prennent un autre rythme lorsqu’il se voit donner un ultimatum : faute de preuves tangibles des faits sous quinzaine, le site sera définitivement bétonné….

Cinéma : Les témoins de Lendsdorf
Cinéma : Les témoins de Lendsdorf

Le réalisateur Amichai Greenberg a été élevé en juif pratiquant et il est le fils et le petit-fils de survivants de la Shoah. Il a grandi nourri d’histoires que lui racontaient ses grands parents dans lesquelles la marge était était mince entre la vie et la mort. Cependant il a grandi dans une famille dépourvue d’émotion, dans une grande pudeur de sentiments où il manquait un élément insaisissable et c’est en partie pour combler ce vide et faire tomber les murs du silence qu’il a entrepris de réaliser « Les témoins de Lendsdorf ».

Le contexte historique du film lui a été inspiré par le massacre de Rechnitz en Autriche où les recherches d’une fosse commune ont été entreprises sitôt après la guerre. Les recherches reposaient sur deux témoignages : celui d’un juif et celui d’un non-juif. A son retour sur les lieux, le premier a été assassiné. Le second témoin qui était celui qui avait amené les armes pour tuer les juifs n’a pas tardé à l’être à son tour, juste au moment où il allait indiquer l’endroit où se trouvait la fosse commune.

Les recherches ont alors été interrompues et n’ont repris que dans les années 80.

La plupart des dates et des noms de juifs cités dans le film d’Amichai Greenberg sont exacts. Les témoignages des autrichiens sont ceux de vrais villageois dont les noms ont cependant été changés.

Les documents émanent du documentaire « A wall of silence  » réalisé en 2014 et dont les réalisateurs ont bien voulu laisser Amichai Greenberg utiliser certains témoignages. Cependant, si ces documents ont servi de base au film, l’histoire de Yoel relatée dans «  Les témoins de Lendsdorf  » est une pure fiction et son histoire est celle plus générale d’un homme piégé par les non-dits. Elle représente le silence de la mère qui cache la vérité, ceux des villageois qui renient leur histoire où celui des administrations qui ne souhaitent pas que les documents qui existent soient déclassifiés afin que les proches des familles encore vivants ignorent les degrés des souffrances qu’ont connues leurs ancêtres.

Mais le film ne raconte pas seulement les cruautés de la grande histoire. Il relate le conflit interne de Yoel lorsqu’il découvre qu’il n’est pas juif, qu’en dépit de sa ressemblance physique avec lui-même, son identité profonde est bouleversée. Il doit continuer à vivre avec cette ambiguïté identitaire puisqu’une conversion entraînerait un trop grand bouleversement familial.

Dans son film, le réalisateur fusionne les deux histoires et de celle qui en résulte, naissent beaucoup de détermination de la part de Yoel et d’émotion face à une mémoire intellectuelle mais plus encore par la mémoire viscérale frustrée par le vide qu’auront occasionné les silences reconduits et l’oubli qui a fini par en découler.

Un récit puissant doublé du beau portrait d’un homme tout entier livré à la recherche d’une vérité.

Francis Dubois


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