Jacques Deschamps, le réalisateur du film se trouvait à Grenoble où il participait à la commission de sélection des étudiants désirant intégrer le Master de cinéma-documentaire de Lussas, en Ardèche.

C’est dans l’hôtel où il résidait qu’il remarquait un personnel très jeune et maladroit multipliant les bourdes, buttant sur les mots et confondant les clés des chambres.

Derrière ces jeunes gens, un personnel plus âgé qui avait des airs de maîtres d’école, surveillait les grooms et les valets de chambres en herbe.

En réalité, Jacques Deschamps se trouvait dans l’hôtel d’application du Lycée des métiers du tourisme et de l’hôtellerie de Grenoble, un hôtel-école.

Cinéma : Les petits maîtres du Grand hôtel
Cinéma : Les petits maîtres du Grand hôtel

Les élèves provenaient de deux lycées professionnels de la ville : les CAP Services hôtellerie qui venaient deux jours par semaine servir le petit déjeuner et préparer les vingt chambres.

Pour les autres, il s’agissait de stages de quatre semaines qu’ils effectuaient à la réception de l’hôtel, au service restaurant ou en cuisine.

Tous ces élèves en Hôtellerie agissaient sous le regard de professeurs qui les formaient au métier qu’ils avaient choisi au moment de l’orientation.

C’est l’aspect théâtral des ces moments que retenait le réalisateur.

Les jeunes gens avaient l’air de répéter le rôle de leur vie et semblaient évoluer dans des décors et des costumes trop grands pour eux avec un texte à dire adapté à chaque circonstance et des enchaînements de gestes comme au music-hall.

Quand ils oubliaient le texte à dire, le trac les rendait muets.

Les règles de l’hôtellerie sont strictes et la rigueur à respecter impose une sorte de chorégraphie les contraignant dans certaines circonstances à marcher au pas comme des soldats.

C’est la parenté de cette formation professionnelle avec le spectacle qui a donné à Jacques Deschamps l’idée d’inclure entre des scènes documentaires, des moments chantés et dansés sensés apporter de la légèreté au propos, étoffer le film et divertir pour le cas où simplement rendre compte de la formation de ces jeunes gens apparaîtrait comme trop austère ou rébarbatif.

Or, le documentaire, jamais ennuyeux, se suffisait à lui-même.

Il y avait chez ces jeunes gens des individualités suffisamment typées et la construction du film était assez adroite pour qu’on puisse suivre sans se lasser les hésitations, les bravades et finalement la mise au pas de chacun d’entre eux.

«  Les petits maîtres du grand hôtel » est souvent drôle, quelquefois émouvant, parfois burlesque et les moments chantés qui peuvent surprendre par leur subite apparition n’apportent pas grand chose au film et encore moins à sa démarche documentaire.

Que deviendront ces jeunes gens, combien d’entre eux ont-ils fait le bon choix et auront trouvé dans cette formation un avenir ?

Le film de Jacques Deschamps montre bien l’évolution de chacun dans l’apprentissage. Certains qu’on sentait rebelles à cet enseignement qu’ils trouvaient trop contraignant, finissent par mordre à l’hameçon, à accepter la règle, à « se prêter » au jeu.

La plupart découvrent la nécessité de l’apprentissage, lui donnent un sens et peut-être finissent-ils par se projeter dans l’avenir.

Le film pose surtout la question des orientations trop précoces dans des domaines trop ciblés et qui n’offrent que peu de possibilité de « passerelles ».

Devraient voir ce film pour en débattre les élèves des sections hôtellerie mais surtout tous ceux qui vont devoir faire un choix au moment de décider de l’orientation : ceux qui pensent à l’hôtellerie et aux métiers de la bouche mais également les autres…

Francis Dubois


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