De Charleville-Mézières à Nice, de Sète à Cherbourg, Raymond Depardon a sillonné la France à la rencontre des français pour les écouter parler.

Il a accosté des duos de personnes dans la rue et leur a proposé de poursuive leur conversation en cours à l’intérieur d’une caravane, de part et d’autre d’une table, devant une large fenêtre ouvrant sur une rue ou une place.

Il ne leur a posé aucune question, a laissé le champ libre à leurs propos, les a laissés seuls face à la caméra pendant une demi-heure, les a filmés de profil, dans un cadrage identique d’une séquence à l’autre.

Cinéma : Les habitants
Cinéma : Les habitants

Raymond Depardon a, selon ses dires, toujours eu du plaisir à surprendre les conversations ordinaires saisies sur le vif et il gardait en réserve le projet de filmer ces sortes d’échanges.

Il fallait imaginer un dispositif qui permette d’éviter toute entrave à la liberté, à la spontanéité de la conversation et qui donne une unité de regard.

La solution a été de transformer une petite caravane en studio ambulant, de l’installer à proximité d’un lieu de passage, au plus près des gens de la rue et de demander à des duos de passants s’ils disposaient d’une demi-heure pour parler devant une caméra, librement, de sujets qui les préoccupaient ou les enthousiasmaient sur le moment même.

Le principe était de poser aucune question, de disparaître de leur vue et de laisser le champ libre à leurs paroles.

Chaque séquence débute avec une caravane qu’on suit le long d’une route de campagne. Le plan qui suit est sur cette même caravane en stationnement sur une place. Aussitôt après, on entre dans la conversation de deux personnes assises face à face à l’intérieur du véhicule.

Le principe de répétition pourrait devenir languissant. Il ne l’est pas. Et ce ne sont pourtant pas les dialogues échangés, de faible teneur, qui tiennent en haleine.

Rien de plus ordinaire et attendu que les propos de deux amies échangeant sur leurs difficultés sentimentales, deux copains machos qui parlent de leurs conquêtes, deux retraitées qui vantent les charmes de la ville de Nice ou ces deux autres qui se lamentent sur ce qu’est devenue Villeneuve (St Georges) depuis que le flot des immigrés a fait qu’aux terrasses de café, on n’entend plus parler français.

Mais la caméra n’est jamais juge ni méprisante. Simplement, après un échange de propos racistes, le réalisateur choisit d’enchaîner sur un jeune couple de jeunes gens noirs amoureux, sympathiques et enthousiastes.

L’accumulation des entretiens finit par distiller un intérêt évident là où il ne devrait pas y en avoir et lorsque la dernière séquence s’achève, que se met à défiler le générique de fin, on se retrouve un peu seuls, privés de la compagnie de ces personnes qu’on a l’impression d’avoir déjà entendues maintes fois.

Le seul reproche qu’on pourrait faire à «  Les habitants « , c’est que les intervenants semblent appartenir à des classes sociales très voisines et que si les propos n’en sont pas moins « colorés » on aurait aimé qu’il y ait parfois, une rupture de ton, une cassure dans la mécanique engagée.

Le film de Raymond Depardon est un arrêt sur image saisissant et souvent drôle de la France citadine profonde.

Francis Dubois


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