Philippe Ramos aime observer, au hasard de la ville, les personnes solitaires et pensives dont il suppose que si elles ont choisi l’isolement, c’est pour mieux laisser libre cours à leurs pensées.

Il s’est interrogé à propos des mots et des images qui peuvent leur venir à l’esprit dans ces moments-là, de ces fantômes qui les hantent et donnent corps à leurs pensées au point de déclencher un monologue intérieur. Ce sont ces monologues intérieurs, comme des indiscrétions, qui constituent le scénario atypique des «  Grands squelettes  » et en font une sorte de paysage secret, les pièces d’un puzzle qui rendrait compte de nos imaginaires intimes.

Cinéma : Les grands squelettes
Cinéma : Les grands squelettes

Dans un premier temps, Philippe Ramos, en guise de source d’inspiration, a imaginé une matière première composée de trois éléments : des photographies de personnes surprises perdues dans leurs pensées, des décors, des détails de la ville, du texte avec entre autres des extraits des «  Fragments d’un discours amoureux  » de Roland Barthes et enfin, des notes sur des expériences vécues par des personnes de son entourage ou par lui-même.

De là, ont été imaginées des situations et des personnages, les pensées de ces hommes et de ces femmes survenus, et livrés sous forme de monologues intérieurs.

Sur une quarantaine de monologues écrits, treize ont été conservés où les personnages, dans des registres d’inspiration très différents, se livrent à une forme d’introspection qui peut rappeler celle du patient en psychanalyse avec un point commun : faire entendre, distante ou proche, secrète ou directe, une intimité amoureuse.

Un homme, près du Pont Mirabeau, tente de retrouver la raison pour laquelle, après une chute, il s’est retrouvé étendu sur le trottoir.

Marc rêve d’emmener son compagnon à la mer pour lui dire qu’il l’aime.

Dans un jardin public, un vieil homme voit dans les ombres portées de deux chaises jumelles, un couple d’amoureux dont il imagine le dialogue.

Après s’être masturbée, une femme retrouve son état de tristesse.

Un arpenteur terrifié par l’amour hésite entre deux filles, Sandra dont il vient de se séparer et Julie, son nouvel amour.

Une vieille dame pense à Pierre son amour et à la vie qui se poursuivra sans elle.

Un SDF, depuis le banc où il tarde à s’endormir, imagine des accouplements derrière des volets clos.

Toutes ces libres divagations constituent de l’une à l’autre et dans une continuité assumée, un long poème ténébreux et superbe et pour ébranler la réalité, la montrer nue et autrement, Philippe Ramos a construit sa mise en scène à partir d’images fixes.

Grâce à la douce immobilité de l’image, à une bande sonore très épurée, le réalisateur va au plus près d’un territoire secret, un territoire invisible et silencieux : le monde mystérieux de nos pensées, de notre for intérieur.

Le film de Philippe Ramos n’est pas sans renvoyer à «  La jetée » de Chris Marker, «  Méditerranée » de Jean-Daniel Pollet ou les séquences de «  Sauve qui peut la vie  » où Jean-Luc Godard joue avec le ralenti et l’image arrêtée.

Et même si ces comparaisons son flatteuses «  Les grands squelettes » ne ressemble qu’à lui et pour peu qu’on aime le cinéma différent, il faut se laisser porter par sa poésie.

Une « pépite » !

F rancis Dubois


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