Les frères Charlie et Elie Sisters appartiennent à un monde hostile et sauvage où l’on éprouve aucun état d’âme à tuer sur commande.

Ils ont sur les mains autant de sang d’innocents que de celui de criminels. Tuer est leur métier.

Charlie a toujours vécu pour ça alors qu’Elie, quoique fort en gueule, ne rêve en secret que d’une vie normale.

Cette fois-ci, ils sont payés par le «Commodore» pour rechercher et tuer un homme.

De l’Orégon à la Californie la longue traque commence.

Mais le destin est parfois capricieux et amène à emprunter des chemins de traverse.

Ce sera pour les deux frères, plutôt que la mission menée à son terme, un parcours initiatique qui va les révéler l’un à l’autre et leur ouvrir un nouveau chemin vers la sagesse et l’humanité

Cinéma : Les frères Sisters
Cinéma : Les frères Sisters

Si on remonte dans la filmographie de Jacques Audiard, on peut saluer la grande diversité d’inspiration de ses réalisations.

Si en apparence il est difficile de trouver un lien de parenté entre «Regarde les hommes tomber», «Un prophète» , «Sur mes lèvres» ou « Deepan», on peut, à y regarder de plus près, y trouver des thèmes récurrents comme ceux de la filiation ou de la fraternité.

Cette fois-ci, tout en restant fidèle à ses thèmes favoris, il s’attaque à un genre cinématographique où on ne l’attendait pas et auquel peu de cinéastes français se sont essayés : le western.

L’idée ne vient pas de lui, qui n’avait aucun penchant ni de goût particulier pour le film d’aventures, mais de John C Rully (interprète du personnage d’Elie dans le film) et de son épouse productrice.

Ils se rencontrent au Festival de Toronto où, en 2012, Jacques Audiard présente « De Rouille et d’os».

John C Rully qui détient les droits du roman propose à Jacques Audiard de lire l’ouvrage de Patrick de Witt. Jacques Audiard est séduit et la perspective d’une adaptation l’enthousiasme.

Mais il faudra attendre avant de se lancer dans le projet car le tournage de « Deepan» est en chantier.

Le western est un genre linéaire, épique alors que les travaux de cinéaste de Jacques Audiard l’avaient jusque là dirigé vers des histoires plus tendues, des scénarii plus complexes, en tous cas aucune histoire qui ait pour cadre de grands espaces.

Comment allait-il faire pour faire se rapprocher sa patte de cinéaste et ce projet singulier ?

Les frères Sisters sont deux incorrigibles bavards entraînés dans des actions à haut risque dont il doivent, en héros, se tirer sans mal. Mais le scénario les associe aux deux autres personnages que sont Warm et Morris, un idéaliste et un dandy aux antipodes des deux frères, de leur folie, de leur violence et appartenant contrairement aux Sisters à un monde délibérément moderne.

Le récit avance en parallèle. D’un côté les frères Sisters, leur mission et le duo Warm et Moris de l’autre.

Tout dans la construction du récit prête dès lors à penser que leur rencontre sera l’aboutissement du film et donnera lieu à la confrontation finale de deux univers.

Rien de cela et avec la rencontre des deux duos, c’est un tout autre film qui débute, beaucoup plus lumineux avec des touches d’humanité et de quotidien qui modifient totalement les codes habituels du western.

Ici les durs pleurent la mort d’un cheval, se masturbent en pensant à la fille qu’ils ont laissée au pays, font du brossage matinal de leurs dents un moment privilégié.

Pour Elie, la rencontre avec Warm et Morris est une révélation. C’est comme si une pensée lui était offerte assortie d’un nouvel horizon de vie et si cette perspective pourrait s’avérer incompatible avec la personnalité de Charlie, le hasard et la soif de l’or vont se charger de le rallier à la sagesse.

La large part que Jacques Audiard donne à l’humour dans le déroulement du récit des « Frères Sisters » et que confirme une scène finale en clin d’oeil au personnage de Calamity Jane marque la bonne distance qu’il a su maintenir dans sa mise en scène pour respecter le genre cinématograhique où il aurait pu se fourvoyer et garder intacte sa patte de grand cinéaste.

Brillant !

Francis Dubois


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