A Singapour, dans un chantier d’aménagement du littoral, l’inspecteur de police Lok est chargé d’enquêter sur la mystérieuse disparition de Wang, un ouvrier immigré chinois. Ses recherches le conduisent jusqu’à un cybercafé de nuit tenu par une ravissante jeune femme avec qui Wang entretenait des contacts pour lutter contre ses insomnies et sa solitude. Lok découvre un peu plus tard que Wang s’était également lié d’une amitié virtuelle avec un mystérieux gamer….

Cinéma : Les étendues imaginaires
Cinéma : Les étendues imaginaires

Singapour est considéré aujourd’hui comme un miracle économique moderne. En quelques décennies, ce petit village de pêcheurs est devenu un modèle d’extension géographique et le phénomène d’une économie galopante. Les habitants eux-mêmes ont été imaginés. Ce sont essentiellement des immigrés embauchés pour construire un pays dont ils ne feront jamais partie.

Ces immigrés vivent en périphérie. Ils sont des invisibles, les acteurs fictifs d’un développement géographique aussi productif que destructeur. La précarité dans laquelle ils vivent, la constante menace de se voir rapatrier, les dettes qu’ils ont souvent contractées constituent un piège qui les rend dociles, corvéables et les maintient dans une misère qui restera longtemps leur lot.

Que se passerait-il si l’un d’eux disparaissait ? S’apercevrait-on seulement de son absence et dans ce cas, y aurait-il quelqu’un qui prendrait le risque de la signaler ? En partant de ce constat, le film suit un inspecteur réticent à rechercher un migrant disparu tant la vie si différente et éloignée de la sienne lui paraît incompréhensible.

« Les étendues imaginaires » nous plonge dans les chantiers d’aménagement du littoral de Singapour. Dans l’univers des travailleurs migrants, dans les domaines du rêve et de l’insomnie.

Singapour est cette île dont on n’a pas arrêté de remplir le bord de mer avec du sable pour en accroître la superficie. Le sable utilisé pour remblayer le littoral est importé tout comme les ouvriers embauchés pour remodeler cette terre.

Le film fait le constat d’une situation et, concernant les ouvriers occasionnels, ne cherche pas uniquement à exposer une réalité sociale, l’exploitation des travailleurs, mais également à humaniser et partager leurs rêves et leurs espoirs.

« Les étendues imaginaires » offre cinématographiquement un mélange de genres faisant du récit un drame social mais tout autant, un film noir. Si le spectateur est immergé dans l’univers des immigrés, il devient complice dans la recherche de l’ouvrier Wang. Et passer du film policier au drame social modifie les attentes et questionne le spectateur sur ce qu’il est en train de voir.

Yeo Siew Hua a tiré profit d’un tournage sous les tropiques. La mousson donne au film, avec les atmosphères nocturnes, un aspect constamment humide et oppressant.

«  Les étendues imaginaires  » bénéficie en outre d’un casting international réunissant le singapourien Peter Yu, le chinois Liu Xiayl, le malaisien Jack Tan et le bangladais Zico. Ce qui ajoute à son épaisseur narrative.

Même s’il manque à un public occidental certains codes pour entrer pleinement dans l’univers du film, cette œuvre hybride est un vrai plaisir de cinéma.

Francis Dubois


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