A la suite de la disparition de ses deux jeunes enfants par noyade, Isadora Duncan, danseuse mythique qui devait elle aussi connaître une fin tragique, a composé un solo d’adieu intitulé «  La mère  ».

Un siècle plus tard, Damien Manivel qui fut danseur et chorégraphe avant de devenir réalisateur de films, ressuscite cette œuvre en la confiant à trois comédiennes danseuses qui en donnent chacune à sa manière, une approche sensible et bouleversante.

Cinéma : Les enfants d'Isadora
Cinéma : Les enfants d’Isadora

La première étape du projet a consisté en des essais avec Agathe Bonitzer, une suite d’improvisations au cours desquelles, avec la chorégraphe Aurélie Berland, ils ont l’un et l’autre, au détour d’un geste, reconnu dans la proposition d’Agathe Bonitzer une parenté avec l’œuvre d’Isadora Duncan.

C’est à ce moment-la que Damien Manivel a compris qu’il avait trouvé le point d’ancrage de son projet, la source à partir de laquelle il pourrait construire un récit qui déboucherait, comme ses films précédents, sur une œuvre personnelle échappant à toute idée de reconstitution ou d’un biopic.

Le film est construit en trois parties complètement indépendantes les unes des autres.

Le premier volet met en scène une danseuse (Agathe Bonitzer) qui aborde de façon très studieuse la chorégraphie d’Isadora Duncan en même temps qu’elle lit des ouvrages qui lui ont été consacrés.

Dans le deuxième volet, une jeune danseuse trisomique, déchiffre cette même chorégraphie sous le regard conseilleur de Marika Rizzi, en vue d’un prochain spectacle.

La troisième partie du film de Damien Manivel montre une ancienne danseuse noire à la mobilité aujourd’hui réduite.

Après avoir assisté à une représentation de «  La mère  », celle-ci entame un lent retour jusqu’à son domicile où, après s’être préparée pour la nuit, elle esquisse quelques mouvements de danse relatifs au travail chorégraphique d’Isadora Duncan.

Plutôt que les personnages, c’est la danse elle-même qui est le fil conducteur du film dont la continuité est à plusieurs reprises brisée. C’est la magie de la mise en scène de Damien Manivel qui répare une apparente dispersion du propos et tourne à l’avantage du film. Chaque pan du récit a sa singularité depuis le ton du récit jusqu’aux atmosphères en passant par le choix des lumières.

En apparence, aucune parenté n’existe entre la clarté dans laquelle baigne une première partie qui alterne déambulations de la danseuse à travers les rues et les parcs et recherches chorégraphiques en salle et les ambiances nocturnes, crépusculaires, les lumières brunes de la longue marche qu’entame le vieille danseuse pour rentrer chez elle après le spectacle.

Et pourtant la danseuse et la vieille dame se retrouvent dans une solitude semblable, l’une et l’autre prises dans la mélancolie créatrice celle où s’était sans doute réfugiée Isadora Duncan après la perte de ses enfants.

Damien Manivel a obtenu un Prix de la mise en scène largement mérité au Festival de Locarno, où avait été sélectionné son film.

Son cinéma existe. Il est souvent présent dans les festivals prestigieux, reconnu par le critique. Mais le caractère exigeant de ses œuvres n’a connu jusque là que l’adhésion d’un public encore trop réduit.

« Les enfants d’Isadora  » est un film qui intéresse dans un premier temps et qui, comme par surprise, envoûte…

Francis Dubois


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