Dès l’école primaire, puis au cours des années collège et maintenant au lycée, Asher s’est toujours manifesté comme un garçon impulsif ayant une vue très personnelle des applications du règlement et des lois qui régissent la société.
Mélange d’exigence et de candeur, ce garçon au charme irrésistible autant qu’irritant, veut dépasser ses capacités intellectuelles sans doute limitées et obtenir son baccalauréat.
Qu’en ferait-il s’il l’obtenait puisque son père l’a depuis longtemps désigné comme son successeur pour reprendre l’affaire familiale d’échafaudages qu’il dirige.
Mais Asher, qui aime beaucoup son père, s’est désigné un père d’un autre ordre en la personne de Rami, son professeur de philosophie.
Partagé entre deux mondes, Asher est à la recherche d’une vie différente de celle qui l’attend, d’une autre identité.
Comment Asher va-t-il vivre un père diminué par la maladie et le suicide de Rami, son professeur dont il va tenter de découvrir ce qui a pu déclencher cet acte imprévisible ?
Durant ces dernières années, Matan Yair a enseigné la littérature à des élèves en probation, le plus souvent issus de la classe ouvrière, fortes têtes, violents, brutaux mais charmeurs et dotés d’un puissant instinct de survie. Des jeunes gens dont il savait que la fin du lycée serait les dernières de leur contact avec la littérature ; que ces années seraient les seules où ils auraient eu l’occasion de lire de la poésie, des nouvelles, des pièces de théâtre, des romans.
La question se posait pour Matan Yair-professeur en ces termes : que répondraient ses élèves si on leur demandait ce qu’ils avaient retenu de ses cours, qu’est-ce qui aurait, des années plus tard, subsisté de ces heures passées de part et d’autre de la chaire.
C’est au cours de ces années que Matan Yair rencontre Asher qu’il perçoit immédiatement comme un personnage fascinant dont la présence peut provoquer des réactions émotionnelles à la fois fortes, contrastées et face à qui on pouvait facilement ressentir de la peur à cause de son absence de limites et de sa capacité débridée à suivre, hors contrôle, ses impulsions et ses désirs.
Non seulement Asher jouera son propre rôle dans le film, mais Matan Yair le livrera tel quel.
La personne-Asher va magnifiquement se superposer au personnage-Asher et l’ association des deux va donner une force étonnante au personnage qui en résulte et par répercussion à ce film d’autant plus«habité» que le personnage endosse sans retouches la personnalité de l’Asher que Matan Yair a connu comme élève.
On comprend que le réalisateur ait été séduit par cette rencontre rare avec ce personnage, à la fois redoutable à cause de son potentiel de violence et naturellement charmeur.
Car Asher est le contraire d’un séducteur. C’est quelqu’un qui ne calcule jamais et se laisse guider par ses pulsions, c’est quelqu’un qui obéit à une logique, la sienne et qui n’est pas toujours la plus simple à appliquer.
Grâce au passionnant personnage d’Asher, à celui du père fragilisé, à celui du professeur de philosophie dont le suicide est perçu par Asher comme une trahison ; grâce à la délicatesse de l’écriture, à la fluidité de l’image, à une direction d’acteur magnifique, « Les destinées d’Asher » est un film éblouissant de force et de sincérité.
Francis Dubois
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