Jacques Arnault est président de l’ONG « Move for kids ». Il a convaincu des familles françaises, en mal d’adoption, de financer une opération d’exfiltration d’enfants orphelins provenant d’un pays dévasté par la guerre. Aidé d’une équipe de bénévoles convaincus et dévoués à sa cause, il dispose d’un temps très court pour trouver, dans des villages, 300 enfants de moins de cinq ans et les ramener en France. Mais il doit, à chacune de ses démarches auprès des chefs de villages, maquiller sa supercherie et convaincre que son intention est de créer sur place un orphelinat où les enfants seront totalement pris en charge jusqu’à leur majorité.
« Les chevaliers blancs » s’inspire de l’affaire de l’Arche de Zoé, ce groupe d’humanitaires qui, en 2007, a tenté d’exfiltrer 103 enfants du Tchad présentés comme orphelins du Darfour. L’opération illégale à laquelle s’étaient livrés Breteau et sa compagne s’est soldée par une peine de prison de deux ans.
Dans « Les chevaliers blancs« , comme dans « Elève libre » ou « A perdre la raison » qui traitaient de sujets intimistes, il est à nouveau question d’une manipulation conduite au nom du bien. Le thème de l’enfer pavé de bonnes intentions passionne le cinéaste qui a trouvé dans ce fait divers un matériau idéal pour en faire un vecteur de création de fiction.
Si dans « Elève libre » un enfant en décrochage scolaire rencontre un professeur qui veut le sauver malgré lui, si dans « A perdre la raison« , un médecin fortuné accueille une famille modeste pour la couvrir de ses générosités jusqu’à l’étouffer, dans « Les chevaliers blancs« , des « humanitaires » s’accordent le droit de sauver des enfants.
En tant qu’auteur de fiction, pour laisser libre cours à son imagination et pour démarquer ses personnages de ceux du fait divers, Joachim Lafosse n’a pas souhaité rencontrer les personnes liées à l’affaire de l’Arche de Noé.
Si le cinéaste a fait de Jacques Arnault le pilier de son histoire; s’il a trouvé, en choisissant pour l’interpréter un Vincent Lindon qui parvient de bout en bout à rester dans l’ambiguïté du personnage, entre générosité et intérêt personnel (et sans doute un goût du pouvoir enfoui), il a minutieusement tracé le contour de tous les protagonistes jusqu’au plus en retrait, jusqu’à celui qui reste silencieux ou qui n’a que quelques phrases de dialogue à dire.
Son procédé de narration réside dans une approche lente de chacun pour accéder jusqu’à l’atteindre par un phénomène de familiarisation souterraine. Il procède de la même façon pour le nœud de l’histoire, pour lever totalement le voile sur la supercherie, le projet de Jacques Arnault.
C’est la première fois que Joachim Lafosse réalise un film d’une telle ampleur, un récit d’aventure avec des scènes de guerre, des séquences de poursuite dans le désert, des scènes d’avion et d’aucun pourra dire qu’il est plus à l’aise dans le domaine intimiste.
Mais « l’ampleur » de sa réalisation, si elle reste évidente, est contenue par le soin qu’il apporte à chacun des personnages dans la tête desquels le spectateur est immergé, par la lenteur qu’il s’accorde pour mettre son dispositif narratif en place, par sa façon de ne jamais surexploiter la beauté des paysages.
Même si, au lieu de trois ou quatre personnages, il dirige dans son nouveau film une cinquantaine de comédiens, Joachim Lafosse garde intacte sa façon presque modeste, sans effet superflu, de traiter un sujet fut-il, cette fois d’une ampleur géographique et médiatique.
Francis Dubois
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