Fanny n’a que douze ans mais déjà une personnalité très affirmée.
En 1943, cachée dans un foyer qui héberge des enfants juifs, elle doit s’occuper de ses deux petites sœurs en l’absence de ses parents.
Obligée de fuir précipitamment pour échapper à une « descente » annoncée de la Gestapo, elle doit prendre seule la tête d’un groupe de huit enfants et s’engage avec eux dans un périple à travers la France occupée pour tenter de rejoindre la frontière suisse.
Entre peurs et fous-rires, angoisses et insouciance, rencontres sympathisantes ou fourbes, le petit groupe constitué d’adolescents mais également de très jeunes enfants, fait l’apprentissage de l’indépendance et découvre la rigueur de la vie de groupe, la solidarité et l’amitié.
En adaptant le roman éponyme de Fanny Ben Ami écrit à partir de sa propre histoire, Lola Doillon n’a pas fait le choix de la facilité.
Tant de cinéastes ont traité le sujet avant elle que le chemin est devenu étroit pour trouver une forme à la narration qui puisse donner à un film sur ce thème un ton, un fil original, renouveler l’épopée d’un groupe d’enfants livrés à eux-mêmes, dont la seule stratégie, pour échapper aux dangers qui les menacent à chaque instant, tient à leur innocence et à l’instinct de survie.
Il ne restait guère à Lola Doillon, pour mener au mieux son projet, que d’affronter sans tenter de les déjouer la série des obstacles et des péripéties prévisibles qui allaient joncher le chemin des enfants jusqu’à cette frontière suisse qui représente une première étape vers la liberté.
Si aucun des clichés n’est évité dans l’enchaînement des aventures, des rencontres, si on a parfois l’impression d’assister à des séquences qu’on a déjà vu une multitude de fois, Lola Doillon a su nuancer son propos, avec la complicité de sa jeune interprète du personnage de Fanny, en en faisant moins une héroïne qu’une gamine déterminée mais fragile et vulnérable.
Fanny est guidée par le sens instinctif des responsabilités qui pèsent sur ses épaules.
Si le scénario en fait le leader du groupe, Fanny a, à ses côtés, deux ou trois autres compagnons d’infortune chez qui les circonstances vont développer des qualités d’initiative et révéler une maturité précoce efficace.
Lola Doillon a-t-elle hérité de son père des qualités de direction d’acteurs novices et de son sens du casting ?
Si là aussi, « Le voyage de Fanny » n’échappe pas aux clichés en alignant une série de portraits attendus depuis l’adolescent binoclard ingrat à l’adolescente forcément violoniste jusqu’au gamin qui se révèle frondeur, elle a su donner à chacun des protagonistes des caractéristiques qui les éloignent un peu du stéréotype.
Si le scénario s’enlise parfois dans la facilité, il y a un point où Lola Doillon excelle. C’est quand elle filme avec bonheur les moments « d’envolée » heureuse du groupe. La façon dont elle saisit, chez ces tout jeunes enfants, en dépit des circonstances, leur joie de vivre, distille autant d’émotion que de ravissement sans réserves.
Ce sont surtout ces images-là qu’on garde de ce film qu’un jeune public devrait voir comme un excellent moyen de lutter contre l’oubli.
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu