Thomas et son ami Thomas sont deux parisiens trentenaires, comédiens spécialistes des petits rôles au théâtre et au cinéma, intermittents du spectacle.

Ils décident ensemble d’aller rendre visite à Nathan, le père de l’un des deux qui vit à Kullorsuaq, un village parmi les plus reculés du Groenland, au sein d’une petite communauté inuit au contact de laquelle ils vont découvrir une vie qui leur est totalement étrangère, les petits plaisirs des traditions locales et quelques occasions de mettre à l’épreuve l’amitié qui les lie.

Cinéma : le voyage au Groenland
Cinéma : le voyage au Groenland

Le village, situé au bord de la banquise, qui se transforme en île lorsque celle-ci fond, est approvisionné en nourriture par bateau, deux fois l’an. Le reste du temps, les provisions arrivent par hélicoptère et les habitants vivent de la chasse (ours et phoques) et de la pèche.

La visite en France de deux habitants du Kullorsuaq à l’initiative de Nicolas Dubreuil, chef d’expéditions polaires et frère de Frédéric Dubreuil, producteur des films de Sébastien Betbeder, a donné lieu à un documentaire écrit dans l’urgence intitulé «  Inupiliuk » dans lequel les deux comédiens Thomas Blanchard et Thomas Scimeca, jouaient en duo comique les hôtes parisiens d’Ole et Adam.

A la fin du séjour, ceux-ci invitaient les deux Thomas à venir dans leur village. Cette invitation prend très vite la tournure d’un projet de cinéma.

Deux années plus tard, l’équipe technique de «  Inupiliu k » est de nouveau réunie pour aller tourner à Kullorsuaq. Le film s’intitulera « Le voyage au Groenland  » et comportera, pour alimenter la fiction, un troisième personnage, le père de Thomas B interprété par François Chattot.

Pour des raisons de budget, Sébastien Betbeder n’a pas pu aller sur place faire des repérages et rencontrer ceux qui allaient constituer les autres interprètes du film. A la place, pour écrire son scénario et dresser le portrait des personnages secondaires, il a bénéficié de la collaboration de Nicolas Dubreuil dont la grande expérience d’explorateur polaire a nourri la fiction.

Alors qu’il venait d’achever «  Marie et les naufragés  » Sébastien Betbeder éprouvait le besoin de passer à ce qu’il nomme un « film ligne claire » et le décor blanc et vierge du Groenland, éloigné du décorum parisien, semblait idéal pour aborder la comédie sur des bases nouvelles.

«  Le voyage au Groenland  » est un film minimaliste qui fonctionne sur deux éléments narratifs : le quotidien des habitants du village obéissant à des codes particuliers et le potentiel comique du duo que forment les deux Thomas.

Sébastien Betbeder n’exploite jamais ni les situations, ni le jeu de ses comédiens au-delà de ce que les uns et les autres fournissent dans les limites du naturel et du spontané. Ici, le folklore et le sensationnel sont absents.

Le film serait presque lancinant si, sans jamais céder à la moindre compromission, Sébastien Betbeder ne donnait ici et là une profondeur humaine à ses personnages ou ne donnait lieu à des parenthèses drôles (la déclaration mensuelle obligatoire des intermittents du spectacle à Pôle emploi) ou touchantes (le fiasco amoureux d’un des Thomas) ou s’il n’introduisait une certaine dramatisation avec la découverte de radios inquiétantes dans la chambre du père.

Le metteur en scène n’a pas voulu traiter la vie au quotidien des habitants du village (la chasse, la pèche, le dépeçage du phoque avant que la chair ne gèle) comme un documentaire comme il a voulu dans les moments de confrontation des deux Thomas échapper au registre de la pure comédie.

Il en résulte un film qui, en dehors des superbes paysages, distille un charme, une petite musique indéfinissable et le spectateur pourrait bien à l’issue de la projection se trouver dans le même état que les deux Thomas au moment du départ, entre émerveillement et frustration avec le sentiment d’avoir fait un voyage unique en son genre.

Francis Dubois


Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu