Pour les jeunes gens nés au milieu des années soixante-dix, la RDA proposait un cadre, des formes d’organisation collective et avec elles, une forme de sécurité.
Après la chute du mur, des institutions comme « les jeunes pionniers » prototype de rassemblement socialiste pour les enfants, ou les Fahnenappell, une cérémonie de salutation du drapeau à l’esprit militaire qui se tenait dans les écoles et qui donnaient un cadre de vie, se sont écroulées.
Les jeunes Allemands de l’Est s’en sont retrouvés orphelins et désemparés, dans une époque de profonds changements, d’anarchie.
La liberté qui s’offrait à eux leur a laissé l’impression d’entrer dans un monde nouveau. Ils ont nourri des rêves : voyager, gagner de l’argent, devenir des stars de la musique…
En attendant de satisfaire leurs rêves, ils ont très tôt découvert l’alcool, le drogue, la violence pour s’imposer, l’opposition systématique à la règle établie.
« Le temps des rêves » est l’adaptation d’un livre « Quand on rêvait » que Clemens Meyer a écrit à moins de trente ans dans lequel il traitait de l’anarchie qui peut s’imposer dans des systèmes qui n’ont pas encore trouvé le chemin à suivre et dans lequel il développait également la force du groupe, son amour du football et de la boxe.
Andreas Dresen a souhaité que son film soit libre de toute idéologie et il n’avait non plus le projet de réaliser un film historique, qui soit le témoin fidèle d’une époque.
Beaucoup plus qu’un « panorama » de l’époque, « Le temps des rêves » a été conçu comme un gros plan d’une partie de celle-ci.
Dani, Mark, Paul, Rico et Pitbull ont seize ans. Ils sont lycéens mais cet aspect de leurs activités n’est guère présent dans le récit.
Est-ce l’histoire ? Sont-ce les événements qu’ils ont traversés ? Un basculement soudain du pays qui ont fait qu’ils semblent avoir brûlé les étapes, acquis une maturité étonnante dont ils n’ont pas su tirer les avantages.
L’ancienne idéologie qui les avait guidés au cours de leur enfance et qui semblait profondément ancrée en eux, les avoir marqués de façon indélébile, a subitement disparu.
Les cinq jeunes gens ne ressemblent en rien aux enfants qu’ils ont été.
L’urgence semble être pour eux, dès lors qu’ils ont perdu des repères, de trouver leur place dans la vie et de ne surtout pas tomber dans un système.
Au milieu de la violence à laquelle ils sont mêlés, dont ils deviennent des adeptes même s’ils en font souvent les frais, ils sont soudés au groupe, respectueux les uns des autres et à l’occasion, d’une belle humanité. Ils réconfortent un ami en pleine déception amoureuse, ils se prennent d’amitié pour une vieille femme seule ou interviennent pour secourir une femme battue par son mari alcoolique.
Dans ses moments de brutalité extrême, le film d’Andreas Dresen rejoint le roman de Clemens Meyer. Il a voulu donner à son adaptation un caractère brut et sans concession et sans précaution à l’égard du spectateur.
Une œuvre cinématographique désespérée ou au contraire, riche d’espoirs.
Aux moments des dernières images, on peut se demander ce qu’il adviendra de cette jeunesse perturbée par un virage à angle droit de l’Histoire.
Francis Dubois
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