1977. Deux ans après la mort de Franco, dans la précipitation de la transition démocratique, l’Espagne vote une loi d’amnistie générale qui a un double effet : la libération des prisonniers politiques mais dans le même temps, l’annulation des jugements des crimes franquistes.
Les exactions commises sous la dictature jusque dans les années 80 (disparitions, exécutions sommaires, vols de bébés, tortures de toutes sortes) passent à la trappe dans l’euphorie du changement de régime du pays.
Mais, depuis quelques années, des citoyens espagnols rescapés du franquisme et soucieux de justice saisissent celle-ci en Argentine, à 10 000 kilomètres des crimes commis, afin de rompre ce pacte de l’oubli et faire condamner les coupables. Les familles des victimes, avec une détermination parfois pathétique, mènent leurs combat jusqu’au bout.

Cinéma : Le silence des autres
Cinéma : Le silence des autres

En 2010, près de quarante ans plus tard, le scandale des « enfants volés » en Espagne est révélé au grand jour. L’histoire de ces crimes qui commencent aux premières heures du franquisme ont poussé le couple de réalisateurs à explorer la question de la marginalisation et du silence des victimes du franquisme depuis les exécutions sommaires de la fin de la guerre civile espagnole aux actes de torture qui ont eu lieu jusqu’en 1975. La question était posée de savoir comment il était possible qu’en Espagne, contrairement à d’autres pays qui ont connu des régimes dictatoriaux, il n’y a eu ni procès de Nuremberg ni commissions de vérité et de réconciliation. Pourquoi, au lieu de poursuites judiciaires, s’est mis en place un pacte de l’oubli dont les conséquences, au bout de quarante ans de démocratie, laissent sur le flanc les victimes encore vivantes du franquisme ?

En 2012, au moment du filmage des prémisses de « La cour d’Argentine », peu auraient parié que des poursuites quarante ans après les faits aboutiraient. Pourtant, la démarche touchant à quelque chose de vital et les centaines de témoignages émanant de partout en Espagne allaient en décider autrement. « Le silence des autres » allait dès lors devenir un acte de mémoire, une nécessité et une urgence puisque pour beaucoup de plaignants, l’affaire révélée constituait la dernière opportunité d’être entendus de leur vivant.

Le tournage du film allait durer six années et déboucher sut 450 heures de rushes. Le contact et la collaboration avec les associations, le suivi des premières réunions et du déroulement du procès permettent de comprendre une histoire particulièrement complexe. Le film qui peut se présenter comme le rendu de démarches judiciaires très techniques privilégie en même temps l’intimité de certains des plaignants et de leurs proches, apportant au film des moments d’émotion et des séquences parfois difficiles à soutenir.

Un très beau travail documentaire. Un film nécessaire.

Francis Dubois


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