Un militaire à la retraite, Monsieur Pons, vit dans une tour du quartier des Bois du Temple en Seine-Saint-Denis. Au moment où il enterre sa mère, son voisin Bébé, associé à un petit groupe de gangsters de la cité, s’apprête à attaquer le convoi d’un richissime prince arabe. Ils ont tout prévu très soigneusement, mais n’ont pas imaginé tout ce que l’argent et le pouvoir permettent.
Le réalisateur Rabah Ameur-Zaïmeche s’est appuyé sur un fait divers réel survenu il y a quelques années. Il l’a mis en relation avec le choc qu’a constitué la révélation de l’impunité dont ont joui les puissants ayant ordonné le meurtre du journaliste Jamal Kashoggi, assassiné avec une brutalité inouïe au Consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul.
Le résultat est un hommage au film noir et aux quartiers populaires. La caméra rêveuse prend son temps pour épouser le regard de Monsieur Pons accoudé à son balcon, survolant les tours de la cité ou attablé au bistro de la Cité, en train de jouer sur les courses de chevaux, entouré de la bienveillance de Bébé et de ses copains, les petits gangsters du quartier. Le réalisateur réussit à modifier les rythmes avec une grande fluidité. À la lenteur du début, qui permet de poser le cadre et les personnages, va succéder une accélération du récit quand démarre l’action et que va se déchaîner la violence. Des ellipses conduisent à un dénouement sec. L’impunité que donne la richesse saute et le taiseux Monsieur Pons peut retrouve son balcon pour observer la Cité.
Deux belles séquences musicales permettent un éclairage en profondeur sur les deux personnages principaux. Dans la première, lors de l’enterrement de la mère de Monsieur Pons, la voix profonde de la chanteuse Annkrist s’élève au milieu du recueillement comme une annonce de la tragédie : « L’amour ne fait pas d’esclaves mais des volontaires / il faut avoir la peau suave et des nerfs de fer / que le désir me surpasse et me tienne en alarme ». Dans la seconde séquence, le raï électronique et survolté de Sofiane Saïdi électrise le public d’une boîte de nuit et le prince arabe, oubliant son statut princier, se lance dans une danse proche de la transe, révélant une fragilité et des émotions qui le ramènent brièvement à une dimension plus humaine.
Le réalisateur Rabah Ameur-Zaïmeche a grandi dans la Cité des Bosquets à Montfermeil et joué enfant dans la Cité des Bois du Temple à Clichy. Il connaît la violence de ce monde sans perspectives, où la violence affleure sans cesse et où pourtant les gens ont des aspirations simples et rêvent de vie paisible. Ce film apparaît lié à son précédent Histoire de Judas et plusieurs acteurs sont présents dans les deux films : Régis Laroche dans le rôle de Monsieur Pons en sorte d’ange vengeur, Philippe Petit dans celui de Bébé, petit gangster embarqué dans une histoire trop grande pour lui, Marie Loustalot en épouse aimante et courageuse de Bébé et Mohamed Aroussi impressionnant en prince arabe qui s’abandonne à une parenthèse dans la danse.
Un beau film dédié à la révolte des opprimés et à la noblesse du cœur qui peut parfois se révéler au milieu de la noirceur du monde.
Micheline Rousselet
Le gang des Bois du Temple, de Rabah Ameur-Zaïmeche (France 2023, 102 minutes), sélectionné en 2023 au Festival de La Rochelle et au Forum de la Berlinale (Berlin), Sortie nationale le 6 septembre
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