Bruno a connu un beau succès de librairie avec son premier roman. Mais depuis, vingt ans ont passé sans qu’il ait pu retrouver la notoriété.
Il a maintenant cinquante ans, il est célibataire, n’a pas eu d’enfants et il est contraint à vivre en colocation.
Son emploi du temps est traînant. Il se lève tard et chaque jour, il se met au travail avec l’espoir qu’un vrai retour à l’écriture va se produire.
Mais ses journées se passent à traîner en caleçon. Et même s’il garde confiance en l’avenir, autour de lui, tout le monde s’inquiète.
S’il y une chose que Ilan Klipper ne supporte pas dans un film, c’est qu’on raconte un rêve ou un fantasme et qu’à la fin, tombe comme un couperet que cela n’était pas dans le réalité de l’histoire racontée.
Ilan Klipper préfère laisser planer le doute et laisser au spectateur la responsabilité de trancher ou pas sur la nature narrative de la séquence.
Pour lui, et il tente de mettre ses convictions en pratique, de mettre tout ce qui est montré sur le même plan, au même niveau de réalité puisque, pour lui, tout ce qui est filmé est réel même si ça se passe uniquement dans la tête de quelqu’un.
Cette sorte «d’émulsion créatrice» où est justement plongé Bruno est un état qui peut apparaître, vue de l’extérieur, comme un état second où des signes d’excitation, d’apparente incohérence, pourraient s’apparenter à de la folie.
Les attitudes qu’adopte Bruno, ses postures, ses variations dans le propos, si elles sont voisines de la folie n’ont rien d’alarmant et c’est cela qui échappe aux proches de l’écrivain. Ces gens de son entourage que ces fluctuations de comportement dérangent et qui souhaiteraient, pour avoir le cœur net, pour se débarrasser de cette gêne où la situation les plonge, voir interner Bruno.
Ilan Klipper a eu la bonne idée, au milieu de ce remue-ménage qui agite les esprits et l’appartement, de glisser l’histoire d’une rencontre, du coup de foudre que Bruno éprouve en pleine tourmente pour la personne la moins «fréquentable» de l’histoire, la psychiatre, celle qui pourrait avoir le dernier mot.
Ce qui est intéressant dans le propos du film c’est les raisons profondes pour lesquelles tous les proches de Paul souhaitent son enfermement. Le gros de leur bonne conscience repose sur le fait qu’un traitement médical le mettrait sur les rails du bien-être et d’une relance de la création.
Mais la vraie raison, et cela il est difficile pour eux de l’admettre, c’est que l’internement de Bruno mettrait fin à l’inconfort où ils sont, remettrait leur vie sur la voie de l’ordre des choses et de la conformité.
La mise en scène du film aurait sans doute gagné à ce que la narration soit moins «énervée» à commencer par l’interprétation de Laurent Poitrenaux, beaucoup trop agitée, qu’il assortit d’une gestuelle et de mimiques trop appuyées.
Il aurait fallu que Ilan Klipper prenne un peu plus en compte les personnages secondaires, ceux des parents notamment qui existent peu ou celui de Laetitia qui aurait pu être un peu mieux dessiné.
On aime bien le film jusqu’au moment où les choses piétinent, où l’on a compris que l’histoire est prisonnière d’elle même et qu’elle n’ira jamais vraiment plus loin.
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu