Le 11 octobre 2012, on annonce à Latifa une terrible nouvelle : Imad, un de ses fils qui avait opté pour une carrières militaire, est assassiné par un tueur en scooter sur un parking de Toulouse.

Ce tueur se nomme Mohamed Merah, un jeune français radicalisé passé par la prison et l’Afghanistan d’Al-Quaida.

Il tuera deux autres militaires, avant d’assassiner trois enfants et un professeur dans une école juive.

Avec ces crimes, la France entre dans une nouvelle ère du terrorisme.

Ce 11 octobre, la vie de Latifa Ibn Ziaten, femme de ménage, va basculer.

Cinéma : Latifa
Cinéma : Latifa

Début 2015, quelques semaines après la tuerie dans les locaux de Charlie Hebdo et l’attentat à l’hyper-cacher de la porte de Vincennes, Olivier Peyon réalisateur de documentaires et qui vient de réaliser «Comment j’ai détesté le maths» , est contacté par la maison de production « Haut et Court» .

A l’époque, Latifa Ibn Ziaten apparaissait souvent dans les médias. Elle avait créé une association et était sans cesse sollicitée pour des interventions.

Pour les journalistes et pour les politiques, elle apparaissait comme un recours.

Loin de l’image de la mère éplorée, Latifa femme forte et positive, montrait un contraste entre la douleur du deuil et une vitalité plus forte que la mort.

Et c’est cette complexité du personnage et ce charisme qui ont donné à Olivier Peyon l’envie de la filmer.

Le personnage méritait qu’on ne se limite pas à ses interventions publiques, que la camera l’accompagne dans sa famille, dans sa voiture lors des déplacements et au débotté, en fonction de l’actualité, là où sa présence de militante était bienvenue.

Ce qu’il y d’admirable chez cette femme, c’est sa vitalité, sa détermination. Alors que le français n’est pas sa langue maternelle et qu’elle rencontre des difficultés de syntaxe ou d’accords des temps, son discours est d’une grande limpidité et elle trouve, malgré une réserve de vocabulaire restreinte, le mot juste, celui qui sait exprimer parfaitement sa pensée.

Son ardeur à convaincre est naturelle et qu’elle s’adresse à des élèves dans des classes, à des détenus en prison, au cours de débats publics, elle a une aisance, une force de conviction qui n’appartiennent qu’à elle, qui émanent de sa présence «maternelle» de femme rodée aux difficultés de la vie (on sait que pour élever ses cinq enfants qui ont tous eu leur place dans la société, elle a fait des ménages, travaillé sur les marchés…).

Latifa est une femme puissante, une femme moderne qui a toujours pris sa vie en main depuis un mariage forcé auquel elle a su échapper ou une totale revanche sur le fait qu’elle n’a pas pu faire d’études et si elle porte le foulard, c’est qu’elle l’a mis à la mort de son fils en signe de deuil.

Le discours de Latifa est avant tout un récit de soi. D’intervention en intervention, elle raconte son histoire et à partir de là, met en garde contre une interprétation détournée du coran, contre les prédateurs du faux islam qui recrutent parmi les plus vulnérables, contre les peines de prison excessives qui sont le contexte favorable aux embrigadements.

La première prise de parole de Latifa en public, son «baptême du feu»,a été en septembre 2012 pour la cérémonie d’hommage aux victimes du terrorisme. En présence des politiques français, elle a réclamé qu’on fasse quelque chose pour ces jeunes et pour éviter que la mal être social et l’ignorance ne fabriquent d’autres Mohamed Merah.

La nécessité des interventions multiples de Latifa n’est pas en doute mais il apparaît au fur et à mesure du film, avec l’importance que prend l’association qu’elle a créée, un danger, celui qui, flattant l’ego, peut la détourner insidieusement, sans qu’elle en prenne conscience, de l’objet de son combat et l’entraîne à manquer du naturel et de la spontanéité qui constituent toute la valeur humaine de cette femme.

Francis Dubois


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