Don Alfonso animait les soirées musicales dans les halls d’hôtel, traînant d’un endroit à l’autre sa marimba auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux.

Mais voilà qu’avec l’arrivée des technologies modernes, un simple Ipod va bientôt suffire à remplacer ses prestations et l’on ne fera plus appel à ses services.
Pour couronner le tout, et parce qu’un malheur n’arrive jamais seul, un gang de son quartier vient le racketter et lui demande une somme d’argent dont il est loin de disposer.

Il est obligé de mettre sa famille menacée à l’abri et reste seul dans son appartement presque totalement vidé, à l’exception d’un fauteuil, d’une table et de sa marimba…

Pour le sortir du mauvais pas où il se trouve, Chiquilin, son neveu lui propose de devenir son manager et d’associer sa marimba à la légende vivante du heavy métal au Guatemala, El Blacko et qu’ainsi naisse « Las m arimbas del Infierno », une expérience unique de la fusion musicale entre la tradition populaire et l’esprit Rock….

Cinéma : Les marimbas del infierno
Cinéma : Les marimbas del infierno

Don Alfonso a bien existé et son histoire aussi. Julio Hernandez Cordon, lorsqu’il l’a rencontré, lui a immédiatement proposé de réaliser un film sur lui.

Un projet où il aurait l’opportunité de réunir dans une même histoire le personnage imprévisible de Chiquilin et celui haut en couleur de Blacko qui, avant le début du tournage, ne se connaissaient pas.

Le réalisateur misait sur l’effet que produirait le choc de la rencontre de ces trois personnalités.

Don Alfonso travaillait comme coursier dans la journée et le soir avec sa marimba, il animait les fêtes de familles, mariages, et autres baptêmes. En 2007, il est victime d’extorsion par un gang de son quartier. Le gang lui demandait de l’argent faute de quoi il s’en prendrait à ses filles et à sa marimba.

Aujourd’hui grâce au film, Don Alfonso peut continuer à jouer dans les fêtes de son quartier même si ni lui, ni sa femme, ni ses filles n’ont pu rentrer chez eux.

Blacko est médecin. Bien qu’il fît de brillantes études, il a choisi la voie du heavy métal et fonde dès 1978 le groupe satanique « Sangre humana » un des premiers groupes heavy métal du Guatemala et plus tard « Guerrero del Metal » qui deviendra un groupe mythique de la scène rock du pays.

Sous l’impulsion de son naturel rebelle, il incorpore à sa musique des influences d’abord sataniques puis chrétiennes, puis juives mais en dépit de ces fluctuations, il reste profondément fidèle à ses origines hard-rock. Pourtant ses exigences finissent par le marginaliser et lorsqu’il veut retourner à l’exercice de la médecine, il se heurte au fait que dans un pays aussi conservateur que le Guatemala, il est exclu d’exercer vêtu de noir et avec des cheveux longs.

Chiquilin est aujourd’hui décédé. Après avoir travaillé dans l’entreprise de grues de son père, il commence en 2009 des études de cinéma et c’est à cette occasion que Julio Hernandez Cordon le rencontre. Élève peu assidu, il travaille sur de nombreux tournages comme assistant de production.

Alors qu’il tente de mettre sur pied la réalisation d’un projet de documentaire, on retrouve son corps mutilé et démantelé dans une décharge.

«Las marimbas del inferno» lui avait valu le prix du meilleur acteur au festival Icaro.

Le film de Julio Harnadez Cordon est le portrait d’une génération charnière qui a vu passer le pays de la dictature à une démocratie sans emploi, sans éducation et sans la perspective de la moindre transformation politique.

Le mouvement heavy métal militant a été le moyen choisi pour certains guatémaltèques de s’extraire de l’emprise chrétienne, prude et consumériste. Il est l’image la plus authentique de la dissidence.

Les personnages d’Hernandez représentent un «pas de côté» nécessaire pour prendre une distance si infime soit-elle, avec la normalité et l’immobilisme du pays…

Francis Dubois


Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu