Paul a miraculeusement survécu à un accident au cours duquel sa fille a perdu la vie.
Très éprouvé physiquement et moralement par le deuil, sa longue convalescence l’a amené à avoir une nouvelle vision de la vie et à porter un autre regard sur ses fonctions de responsabilités qui l’ont accaparé pendant des années, sur une seconde épouse carriériste et infidèle et sur ses deux fils nés de cette union, brillants arrivistes, promis à un bel avenir.
Du choix de l’avocat qui défendra ses droits dépendra l’importance de l’indemnité qui assurera dans tous les cas et à vie, le confort matériel de toute sa famille.
Pourtant, Paul devient de plus en plus nonchalant face à ces démarches. Que la mort de sa fille devienne monnayable lui apparait de plus en plus inconcevable.
Ayant eu le temps de mesurer la vacuité de sa vie passée, il va faire le choix de renoncer aux mirobolantes indemnités de dédommagement et donner une toute nouvelle orientation à son existence : renoncer à son métier de cadre pour se reconvertir dans celui de promeneur de chiens.
Dès lors, une nouvelle vie s’annonce qui le satisfait. Mais son entourage lui permettra-t-il d’accéder à la sérénité à laquelle il aspire ?
« La nouvelle vie de Paul Sneijder » est l’adaptation du roman de Jean-Paul Dubois, « La cas Sn e ijder » où Thomas Vincent dresse le portrait de la lente mutation d’un individu qu’un drame familial conduit à reconsidérer un passé dont il découvre qu’il y avait fait fausse route et dont il veut effacer la trace, avec le choix d’une nouvelle orientation inattendue.
Le film repose essentiellement sur le personnage de Paul Sneijder et sur le tracé de sa reconversion.
La mise en scène échafaude par une construction virtuose, le récit tout en nuances d’une lente destruction d’une vie d’homme conforme et en cela « exemplaire » à tous points de vue.
Le « détricotage » d’une trame de vie alliant réussite professionnelle, confort bourgeois auprès d’une épouse carriériste, d’une descendance ambitieuse s’amorce le jour où, seul, aidé de sa canne, Paul se rend au service des pompes funèbres pour y récupérer l’urne contenant les cendres de sa fille.
Le décor glacé du lieu, le comportement professionnel jusque dans l’émotion feinte de l’employée, les signatures au bas d’un document, l’objet impersonnel dont il prend possession, vont résumer en quelques minutes le bon ordre qui régnait dans sa vie avant l’accident.
Dès ce moment, son existence exemplaire, ordonnée, aussi lisse qu’est l’intérieur bourgeois où il vit, va revenir en Boomrang et Paul Sneijder cessera d’être l’homme qu’il fut.
Les personnes qu’il va côtoyer désormais, qu’il s’agisse de ses proches qu’un comportement intéressé occupe, les avocats qui lui proposent leurs services, le propriétaire du chien à concours, tous vont se dissoudre face à sa détermination.
Avec la complicité de Thierry Lhermite dont la sobriété de jeu fait merveille, Thomas Vincent a réalisé un film minutieux marquant le contraste entre le monde qui était celui de Paul avant l’accident et la nouvelle personnalité d’un homme qui trouve un refuge de sérénité dans l’abandon de toutes les valeurs qui avait constitué l’essentiel de sa vie et à propos desquelles il ne s’était jamais interrogé.
« La nouvelle vie de Paul Sneijder » est un beau film sur la solitude, l’isolement et sur le pouvoir des règles inhérentes au milieu auquel on appartient.
Face à celui de Paul Sneidjer, Thomas Vincent dresse un portrait hâtif de ceux qui pour être en arrière-plan du récit n’en sont pas moins les redoutables sentinelles de la règle établie : sa femme, ses enfants, les avocats…
Thierry Lhermite est cet homme en mutation entre sérénité et désarroi. Il sera difficile d’oublier la force et la douceur de l’apaisement lisible dans son regard « étranger ».
Voilà un beau film précis, émouvant empreint d’une profonde sérénité.
Francis Dubois
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