Pneumologue au CHU de Brest, Irène Frachon découvre un lien direct entre la mort suspecte de certains de ses patients et la prise d’un médicament dont la vente est autorisée, prescrit comme coupe-faim ou dans le traitement du diabète.
Seule ou presque, guidée par son seul instinct de médecin, elle va tenter de se faire entendre, de convaincre avant d’entrer en combat contre le laboratoire pharmaceutique coupable pour faire retirer le médicament de la vente.
Le livre témoignage d’Irène Frachon « Médiator 150mg (Combien de morts ) » dans lequel elle relate son combat acharné de médecin a, dès sa parution, intéressé des réalisateurs de films mais la pneumologue-écrivain a donné sa préférence à Emmanuelle Bercot.
La personnalité d’Irène Frachon pouvait effectivement donner lieu à un très convaincant personnage de fiction.
Et c’est peut-être quand, sur les conseils de Catherine Deneuve, Emmanuelle Bercot (« La tête haute « ) a contacté la comédienne danoise Sidse Babett Knudsen, remarquée dans la série « Borgen « , que le personnage qui allait vivre à l’écran a pris toute sa dimension.
Le film est constitué pour une moitié de l’adaptation du livre et pour l’autre moitié des témoignages recueillis à l’hôpital de Brest auprès des protagonistes de l’affaire, d’entretiens de la réalisatrice et de la scénariste avec Irène Frachon, ainsi que de rencontres avec les protagonistes parisiens comme l’épidémiologiste de Gustave Roussy ou « la Taupe » de la CNAM.
La personnalité d’Irène Frachon dans la vie a fortement inspiré le personnage du film. Celle qu’on appelait » la fille de Brest » est apparue à Emmanuelle Bercot, naturelle, spontanée comme quelqu’un doté d’une énergie incroyable et d’une belle joie de vivre.
Et c’est cette force relayée par l’actrice qui habite le personnage tout au long du film.
A partir du combat d’un médecin pour faire reconnaître le résultat de ses recherches et agir de sorte que le médicament soit retiré de la vente, Emmanuelle Bercot a conduit son film comme un film de genre, un thriller avec un suspense soutenu et des séquences haletantes.
La question est sans cesse de savoir si Irène Frachon va obtenir gain de cause dans ce combat de David contre Goliath et les moments d’ espoir, quand ils alternent avec les déceptions et les retours à la case départ, tendent le récit et entretiennent le suspense.
Le film prend la tournure d’un thriller médical quand Emmanuelle Bercot y inclut deux séquences chocs : une opération à cœur ouvert et une autopsie dans la totalité de son déroulement.
Ce parti-pris quasi tactile d’approcher les organes atteints avec la caméra étaient essentiels pour montrer les ravages causés par le médiator, visualiser et ressentir les effets provoqué dans la chair de certains utilisateurs.
La mise en scène d’Emmanuelle Bercot tranche ici avec celle de ses films précédents. L’écriture passionnée et un montage serré sont conçus « à l’américaine » dans un souci d’efficacité.
Et même si « La fille de Brest » est une histoire d’affrontement, le récit reste du seul point de vue d’Irène Frachon, et Jacques Servier, le tout puissant patron de laboratoire à combattre, n’apparaît pas à l’image.
Le film d’Emmanuelle Bercot est, relayé par l’interprétation puissante de Sidse Babett Knudsen, un magnifique portrait de femme-médecin engagé dans un combat libre de tout engagement politique, à seule fin de dénoncer de la part de certains laboratoires une disposition à préférer le rendement économique à la vie des patients.
Un film aussi généreux que son héroïne.
Francis Dubois
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