Au bout de trente années de sa vie passée en prison, Horacia est reconnue innocente. Une fois rendue à la liberté et connaissant le nom de celui qui l’a dénoncée pour une faute qu’elle n’avait pas commise, elle est dorénavant guidée par un violent sentiment de vengeance.

C’est après avoir retrouvé sa fille qu’elle se fixe un second objectif : retrouver un fils dont personne n’a plus eu de nouvelles depuis des années.

Lav Diaz a puisé le sujet de son film dans une nouvelle de Tolstoï, «  Une histoire vraie  » lue des années auparavant, dont il avait oublié l’histoire mais dont il s’est souvenu du contenu qui est en substance, que l’absurdité de la vie et sa fragilité sont le fondement de notre existence et que le cours de nos vies nous échappe.

Pendant le long temps de son incarcération, Horacia s’est dévouée aux autres. Elle a pris en charge les plus démunis, tenté de rendre confiance à ceux qui doutaient de la nécessité de vivre.

Elle avait trouvé auprès des autres détenus une ligne d’actions qui lui avait procuré une motivation et une certaine sérénité.

La liberté retrouvée la renvoie à l’instabilité de sentiments et de démarches plus contestables comme ce désir de vengeance contre l’homme dont l’accusation l’a jetée en prison.

Mais Horacia, une fois mise sur le route de cet homme et bien qu’elle ait soigneusement préparé son assassinat, ne va pas droit à son objectif. Elle prend le temps de rencontrer des êtres miséreux ou solitaires dont les chemins auront croisé le sien : un marchand d’oeufs couvés à qui la vente de sa marchandise ne permet pas de nourrir sa famille, un travesti pathétique lassé par son existence…

Cinéma : la femme qui est partie
Cinéma : la femme qui est partie

Le canevas narratif de «  La femme qui est partie  » aurait pu donner lieu à un sublime mélodrame mais Lav Diaz, fidèle à ses choix cinématographiques, écarte du traitement de son récit tout risque d’appesantissement, toute émotion superflue. Et il fait de ses personnages quoique pauvres, démunis, vulnérables, des personnes qui gardent une certaine dignité.

Le récit, à mesure qu’il emprunte des chemins de traverse, va rendre moins fort chez Horacia son désir de vengeance et c’est un des personnages de rencontre auquel elle a apporté réconfort qui lui épargnera d’en arriver à l’assassinat qu’elle s’était promis de commettre. Et d’une certaine façon, Hollanda sera incarcérée à sa place…Comme elle, trente ans auparavant, a été incarcérée à la place d’une autre.

La durée de «  La femme qui est partie »( 3h 45) ne doit pas décourager ceux à qui sera donné la possibilité de voir le film dont la lenteur narrative n’est jamais synonyme d’ennui mais au contraire, un enrichissement permanent. Chez Lav Diaz, chaque image compte, la composition de chaque plan est passionnante Les décors n’ont par besoin d’être spectaculaires. Il leur suffit d’être authentiques, servis par des lumières naturelles. Les comédiens n’ont pas besoin d’être maquillés ni de prouver leur savoir faire avec force effets.

« La femme qui est partie  » est une oeuvre puissante dont la projection ne conviendra pas à ceux qui attendent d’un film suspens et action mais devraient séduire les amoureux de cinéma, ceux qui aiment se hasarder hors des sentiers battus.

Sublime !

Francis Dubois


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