Lucie aime la vie. Passionnée de parfumerie, elle quitte les siens pour aller faire un stage dans un pays en guerre.
Lorsqu’elle arrive à destination, elle est prise en charge par Younes, un chauffeur de taxi qui vient de recevoir de la part d’un groupe de djihadistes la proposition de leur livrer un otage en retour d’ avantages financiers.
Pour s’être retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment, Lucie va connaître la captivité dans un campement de fortune entourée de djihadistes convaincus et prêts à mourir pour défendre leur cause.
Pour les trois personnages, dont le récit épouse tour à tour les points de vue, l’embrigadement djihadiste n’est pas une chute mais une élévation et même si, le moment de la mort venu, chacun réagit différemment, le film de Cheyenne Marie Carron montre bien la force d’un embrigadement dont les motivations, même si elles sont affirmées, demeurent mystérieuses.
« La chute des hommes « , qui est un film conçu en autoproduction sans l’aide d’aucune chaîne télé ni du CNC ni d’un comité de Région, n’a rien à envier aux films qui font légion et qui ont prouvé (ou ont cherché à prouver) les mécanismes de l’attirance vers le djihadisme et les comportements aveugles au nom d’Allah.
Passé les scènes d’introduction au cours desquelles le personnage de Lucie est présenté dans différentes circonstances comme une jeune fille débordant de vie, enthousiaste et passionnée, le film décrit le quotidien d’une jeune femme captive et se limite par ailleurs à rendre compte de l’état d’esprit de jeunes gens convaincus du bien-fondé de leurs convictions et des agissements qu’elle leur dictent, fussent-ils de la plus grande cruauté.
Un mécanisme qui, dès lors qu’il est enclenché, ne connaîtra pas le moindre moment de doute même si la litanie des phrases que les djihadistes débitent à toutes occasion, semble parfois relever de la méthode Coué.
La détermination idéologique de ces hommes s’auto-entretient par un entraînement mutuel et par ce « récitatif » rituel qui semble les remettre sur le rail quand le moindre doute les saisit.
Et cela, la caméra de Cheyenne Carron le restitue parfaitement, comme le goût du pouvoir, comme les dérapages occasionnels, comme quand le moindre questionnement met en alerte parce qu’il pourrait être annonciateur du doute redouté plus que tout car il pourrait être annonciateur de l’effondrement du groupe.
Ces hommes qui ont perdu toute humanité sont-ils encore des hommes ou sont-ils devenus une mécanique au service d’une idéologie factice puisqu’elle échappe à toute humanité, au moindre respect de la vie ?
Il faut saluer la sortie de ce film qui, pour avoir été conçu dans des conditions financières marginales et modestes, n’en est pas moins convaincant sur un sujet épineux et qui ainsi traité, échappe à tout épanchement superflu.
Saluons donc la démarche louable et efficace
Francis Dubois
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