Margaux vingt ans et Margaux quarante cinq, se croisent par reflets interposés dans le miroir d’une salle de bains. Tout dorénavant pourrait laisser penser que les deux femmes sont une seule et même personne à deux âges différents de sa vie.

L’aînée aurait alors sur la cadette l’avantage de savoir ce qui va se produire dans sa vie, en tous cas assez de choses pour la mettre en garde de ce qui pourrait lui arriver de néfaste.

Non seulement les deux femmes sympathisent mais lorsque Margaux 1 retrouve par hasard Marc, l’homme de sa vie, Margaux 2, attirée par le charme charismatique du jeune homme, entame une histoire avec lui.

L’apparition de Marc dans la vie de l’une et de l’autre, va-t-elle contribuer à rompre le mystérieux cordon qui unissait leurs destins ?

Mais à y réfléchir – car Sophie Filières aime brouiller, multiplier les pistes et laisser au spectateur une marge de liberté à son imagination – Margaux est-elle une seule et même femme interprétée par deux comédiennes ou bien deux femmes distinctes qui forment un unique personnage à deux âges de sa vie ? S’ajoute à ce questionnement, la part de fantastique de l’histoire.

Mais ce que propose Sophie Filières, c’est de se laisser porter par les méandres de l’histoire, de s’y perdre, de croire s’y retrouver, d’accepter cet espèce de vertige narratif.

Cinéma : La belle et la belle
Cinéma : La belle et la belle

Les deux personnages sont montrées chacune dans sa vie avant qu’elles ne se rencontrent selon un montage plus ou moins alterné. Leurs vies diffèrent. La plus jeune est perdue dans le bouillonnement de la jeunesse, l’autre est une femme accomplie mais sans doute un peu seule et leur ressemblance évidente dans leur singularité n’est peut-être qu’illusoire.

Et si Margaux 1 a, au premier regard dans le miroir, reconnu son double et confié à sa meilleure amie, «cette fille, c’est moi», Margaux 2 ne formule jamais cela par la parole, même si son regard en dit long.

Les personnages de Sophie Filières sont ancrés dans le réel alors que les situations dans lesquelles elles se trouvent, les rebondissements de l’histoire entraînent le récit vers plus de fiction voire, du côté du fantastique.

Et c’est de ce mariage du réel avec le fantastique que naît l’humour et la drôlerie du film.

Ainsi comme quand Margaux 2, séduite par le chauffeur de taxi qui lui propose d’aller boire un verre, téléphone en catimini à Margaux 1 pour savoir si dans sa vie est inscrite une rencontre avec un chauffeur de taxi …

Le film de Sophie Filières semble tenir autant à conduire une histoire qu’à diriger deux comédiennes dont elle est proche et avec lesquelles on sent une réelle complicité. L’une, Agathe Bonitzer est sa fille dans la vie et l’autre est la comédienne qui faisait sa première apparition à l’écran dans le tout premier film de la réalisatrice, il y a vingt cinq ans, «U ne fille et des chien s».

«La belle et la belle », depuis le choix du titre jusqu’à la construction d’un scénario tortueux et virtuose, est une œuvre acrobatique, un film aussi mystérieux que lumineux.

Le mélange des couleurs (le rouge avec le bleu ou le jaune éclatant, essentiellement) est dans le décor, dans les costumes et apporte au film les caractéristiques du conte.

Car le film de Sophie Filières est un conte moderne pour grandes personnes, une fantaisie, cinématographique, un récit où le spectateur trouvera une source inépuisable de plaisirs multiples.

Francis Dubois


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