A Kaboul, à la fin des années 80, Qodrat, une quinzaine d’années, est un garçon de la rue qui survit en se livrant au petit commerce. Il propose aux passants, des porte-clés et à prix fort, à ceux qui n’ont pu s’en procurer, des tickets de cinéma pour des projections de films Bollywoodiens.
Un genre dont lui-même est friand, inconditionnel admirateur qu’il est des super héros qui viennent à bout de tous leurs ennemis.
Rattrapé par le police, il se retrouve à l’orphelinat alors que son pays, l’Afghanistan est en train de passer aux mains des moudjahidins.
L’orphelinat du film de Shahrbanoo Sadat n’est pas un établissement fermé et oppressant soumis à des règles draconiennes. C’est au contraire une sorte de refuge bienvenu qui accueille de jeunes garçons sans famille qui y trouvent chaleur et amitié. L’encadrement est souple, plutôt amical et les adolescents y jouissent d’une certaine liberté libérant la joie de vivre qui correspond aux besoins de leur âge.
Le film prend le temps de tracer le contour de quelques personnages saillants parmi les résidents et de plonger jusque dans leurs blessures cachées, dans ce que chacun recherche ou fuit de son passé et de ses racines. Qodrat bénéficiant désormais de la compagnie complice de quelques autres, n’a plus besoin d’avoir recours à l’univers combattant des films bollywoodiens. Il a trouvé à l’orphelinat l’apaisement dont il avait besoin et dont l’avait privé sa condition d’enfant de la rue obligé de trafiquer pour survivre.
Ce n’est que lorsque l’arrivée des moudjahidins confrontera le groupe de jeunes gens jusque là protégés à la terrible réalité de la guerre, que Qodrat, « reprendra les armes » et aura de nouveau recours aux modèles du héros des films bollywoodiens.
En dépit de la rugosité du sujet, de la lourdeur du contexte, d’une menace qu’on sent sourdre tout au long du récit, il se dégage de l’orphelinat, tout au long, un fond de joie de vivre.
Et même si on retrouve les personnages archétypiques inévitables de la victime et du dur à cuir, du rêveur et du petit chef, le trait n’est jamais appuyé et tout glissement vers le cliché est évité.
Ici, le responsable de l’établissement ne développe aucun goût du pouvoir et se comporte en sorte de grand frère.
L’intrusion brutale des moudjahidins crée d’autant plus un choc que rien ne l’avait annoncé et la séquence finale onirique où Qodrat anéantit la troupe des combattants renvoie à la rêverie, à un imaginaire salvateur.
« L’orphelinat » est un film rude mais libre, qui ouvre sans cesse sur les chemins où on ne l’attendait pas.
Francis Dubois
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