Fernando est un ornithologue passionné par ses recherches.
Il entreprend de descendre une rivière en kayak dans le but d’apercevoir l’espèce rare des cigognes noires.
Absorbé par son intense observation, il se laisse surprendre par les rapides et échoue, inconscient en contre-bas.
Il aurait pu périr si deux jeunes chinoises engagées sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle ne le découvraient pour le tirer de son agonie.
Elles le sauvent de la mort mais pour l’empêcher de repartir, elles le ligotent à la manière du martyr enchaîné et c’est là la première allusion à la vie d’un saint dont on découvrira, au fil des coïncidences, qu’il s’agit de Saint Antoine, une figure incontournable de la culture et de la société portugaise.
Le film de Joao Pedro Rodrigues commence à la manière d’un documentaire animalier avec l’observation d’un couple d’échassiers. L’intensité avec laquelle Fernando les observe, se relayant dans un nid ou des œufs incubent, conduisent à penser qu’il s’agit d’une simple histoire d’ornithologue.
Le naufrage de Fernando pris dans la tourmente des torrents jusqu’à son sauvetage par les deux jeunes chinoises ne préparent pas à ce que sera finalement le film.
Il faut arriver à l’image de Fernando ligoté à la manière d’un martyr pour découvrir que le déroulement du film ne sera pas linéaire, pas plus qu’il ne tournera autour de la simple observation des oiseaux, même si ceux-là restent présents tout au long du récit.
« L’ornithologue » se fonde sur un sous-texte religieux mais les symboles qui s’y rapportent ne sont lisibles qu’au second plan de telle sorte que le film peut se prêter à deux lectures. Il peut n’être vu que comme un film d’aventures puisque la caméra suit le personnage au fil d’un enchaînement d’événements ou comme une œuvre mystique.
Mais c’est dans les rencontres qui se produisent comme celle qui a lieu avec un berger qui se prénomme Jésus, que le récit rejoint l’histoire de Saint-Antoine qui avait tenu dans ses bras l’enfant Jésus dans une étreinte qu’il avait voulue garder secrète.
D’une part, l’on sait, dès les premières images du film, par les fréquents coups de fil qu’il donne à un ami, que Fernando est homosexuel. D’autre part, se basant sur l’idée de l’étreinte gardée secrète, le réalisateur donne à la rencontre avec le berger Jésus un caractère amoureux qu’il pousse jusqu’à l’acte sexuel.
Fernando, comme beaucoup des personnages des films précédents de Joao Pédro Rodrigues, est un être en constante mutation, sans cesse offert aux atmosphères contrastées qui rythment et relancent le récit.
Et c’est en lui prêtant la personnalité mystérieuse et fascinante de Saint Antoine qu’il le charge de mystère et rend hommage à la beauté d’un environnement foisonnant (la complicité avec la nature, la fascination qu’opère l’observation des oiseaux…)
« L’ornithologue » est un film hybride, une œuvre personnelle que les méandres du récit rendent parfois déconcertant mais qui finit par trouver tout son intérêt dans ces mêmes ruptures de ton.
La beauté des paysages et la présence charismatique de Paul Hamy ne sont pas étrangers au plaisir qu’on a de pénétrer dans l’univers cinématographique étrange et fascinant de Joao Pedro Rodrigues
Francis Dubois
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